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Quitter la France 183 jours ? Le mirage fiscal du "digital nomad"

  • Rodolphe Rous
  • 26 mai
  • 3 min de lecture

Ils travaillent face à l’océan Indien, postent un « sunset reel » depuis Bali et enchaînent les calls Slack sous les palmiers. Leur conviction : passer moins de 183 jours sur le territoire français suffit à échapper à l’impôt et aux cotisations sociales hexagonales. C’est faux, et parfois coûteux.


Entre mythe comptable et réalité juridique, le parcours du digital nomad français exige de jongler avec le Code général des impôts, les conventions bilatérales, le droit de la Sécurité sociale… et les humeurs de l’administration fiscale.


Le vrai critère ? Le centre des intérêts vitaux, pas le compteur de jours


L’article 4 B 1 du CGI définit la résidence fiscale française en trois niveaux :

  1. Foyer (lieu où vit la famille et où l’on passe la majeure partie de l’année) ;

  2. Centre des intérêts économiques (activité pro, gestion de patrimoine, comptes bancaires) ;

  3. Séjour principal au moins 183 jours.


Le Conseil d’État (arrêts Gilly, 1998 ; Roche, 2018) rappelle qu’il suffit qu’un seul de ces critères soit rempli pour être considéré résident. Quitter Paris 200 jours par an, tout en conservant un appartement, un conjoint et 80 % de son chiffre d’affaires français, maintient donc la résidence fiscale… où que l’on poste sa story.


Visa nomade ≠ statut fiscal. Portugal, Espagne, Émirats arabes unis, Bali : la plupart des visas « digital nomad » délivrent un permis de séjour de six mois à cinq ans, à condition d’un revenu minimum (2 000 € à 3 000 €/mois) et d’une assurance santé. Mais le visa n’emporte pas de non-résidence fiscale ; il prouve seulement un droit temporaire à séjourner. Si le centre des intérêts vitaux demeure en France, la DGFiP conserve son droit d’imposer l’intégralité des revenus mondiaux.


Cotisations sociales : l’URSSAF vous suit sous les tropiques. Le règlement (CE) 883/2004 impose qu’un travailleur indépendant paie ses cotisations dans l’État où il exerce l’essentiel de sa prestation. Quand l’activité est dématérialisée et reste orientée vers des clients français, l’URSSAF considère que la France reste l’État compétent. Partir coder à Chiang Mai tout en facturant une SAS parisienne n’efface ni la SSI (22 % du CA en micro-BNC) ni la CFE, sauf à prouver que le chiffre d’affaires est généré hors France.


Conventions fiscales et clause de « tiebreaker ». Pour éviter une double imposition, les conventions prévoient une clause de secours : si deux États revendiquent la résidence, on regarde successivement le foyer, le centre des intérêts vitaux, le lieu de séjour habituel puis la nationalité (OCDE, art. 4). Mais si l’autre État a un régime territorial (EAU) ou si aucun impôt n’est dû (Bali, avant 2024), c’est la France qui l’emporte : pas de « tiebreaker » sans impôt de l’autre côté.


Retraite et assurance-maladie : les angles morts. Même si la Caisse des Français de l’Étranger offre une couverture santé minimale, elle n’équivaut pas à la Sécurité sociale. Un nomad qui cesse de cotiser risque de perdre trimestres de retraite et droits maladie – et de se retrouver redevable d’une affiliation rétroactive si l’URSSAF estime qu’il travaillait « depuis » la France, même en visioconférence.


Cas réel : Manon, copywriter à l’île Maurice

– 300 jours hors de France en 2024 ;

– 87 % de son CA facturé à trois clients parisiens ;

– Appartement conservé à Aix-en-Provence.

La DGFiP a requalifié sa résidence : foyer + intérêts économiques = France.

Redressement : impôt + 40 % pour manquement délibéré, CSG‐CRDS sur dividendes, rappel CFE, et affiliation rétroactive URSSAF.

Le visa mauricien n’a servi que de carte postale !


Check-list avant de lever l’ancre

  • Fermer ou louer le logement français (contrat long terme) ;

  • Domicilier la société, les contrats, la facturation et le compte bancaire dans le nouvel État ;

  • Ouvrir un compte local, déclarer les comptes étrangers (formulaire 3916-bis) ;

  • Rompre le contrat d’abonnement énergie, téléphone, mutuelle ;

  • Déplacer conjoint et enfants, inscrire les enfants à l’école locale ;

  • Obtenir un certificat de résidence fiscale étrangère et un numéro d’identification ;

  • Prévenir l’URSSAF et, si nécessaire, basculer sur la Caisse des Expatriés.


Conclusion. Le mythe « 183 jours » a la vie dure ; l’administration, elle, regarde le lieu où l’on aime, investit et facture. Être digital nomad peut optimiser la qualité de vie, mais c’est un exercice de haute précision : il faut déplacer physiquement son centre de gravité économique et familial, sous peine de double peine fiscale.


Notre cabinet, épaulé par un réseau d’avocats partenaires à l'étranger, bâtit des stratégies de départ solides : audit de situation, optimisation sociale, documentation de résidence, et sécurisation des flux bancaires.


Voyager léger, oui ; voyager fiscalement invisible, non. Mieux vaut partir équipé!


Vous avez des questions ? Contactez nous : https://www.rous-avocat.fr/contact

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