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Entreprise familiale suisse, filiale française : cinq écueils fiscaux qui transforment la Suisse en fromage… plein de trous


La structure paraît idéale : à Genève, la société mère (SARL) détient la propriété intellectuelle, négocie les contrats internationaux et facture la France. De l’autre côté de la frontière, la filiale (SAS) assure la production, gère la logistique et distribue le produit fini sur le marché européen. Tout tient dans un diagramme PowerPoint – jusqu’au premier contrôle fiscal. Car, pour l’administration française, la frontière n’est qu’un détail géographique : un flux mal documenté, une marge intragroupe mal évaluée, et c’est tout l’édifice patrimonial qui se déforme.


1. Le faux « management fee » : une marge sans substance tourne à la ristourne fiscale


La SARL de Genève facture chaque mois un « management fee » de 6 % du chiffre d’affaires français. L’intitulé est élégant, mais la convention fiscale franco-suisse – comme l’article 57 du Code général des impôts – exige une contre-partie réelle : ressources humaines, bureaux dédiés, recherches, prises de risques. À défaut, le fisc requalifie la commission en transfert de bénéfice dissimulé, ajoute une majoration de 40 % et applique l’amende de 5 % sur les sommes transférées à l’étranger sans factures probantes.


2. La TVA intragroupe : la prestation de services ne s’évapore pas dans l’arc alpin


« Suisse, hors UE, donc hors TVA » : raccourci dangereux. Une prestation de services B2B rendue par une société suisse à sa filiale française constitue une opération intracommunautaire au sens des directives 2006/112/CE et 2008/8/CE ; la TVA est autoliquidée en France (article 283-2 du CGI). En cas d’oubli, la SAS récupère certes la taxe, mais écope d’une amende de 5 % du montant non auto-liquidé – et d’une pénalité pour omission de déclaration.


3. Le prêt de trésorerie sans intérêts : l’avance anodine devient distribution déguisée


Les pics de trésorerie se déplacent ; la maison-mère avance 1 million d’euros à taux zéro. Pour la DGFiP, une avance sans rémunération entre entreprises liées, c’est un abandon de créance partiel ; requalification immédiate en distribution déguisée taxable à 30 % (prélèvement forfaitaire unique) chez le bénéficiaire. Depuis janvier 2024, une circulaire de l’OCDE incite à appliquer un taux d’intérêt de pleine concurrence basé sur une courbe IBOR + marge de crédit. Sans étude de taux et sans convention écrite, le pacte familial devient facture fiscale.


4. L’établissement stable fantôme : trois « commerciaux frontaliers » suffisent à placer le bénéfice suisse en France


La SARL genevoise signe tous les contrats, mais les négociations se concluent à Lyon, dans les bureaux de la filiale : équipe marketing, support client, logistique. Au regard de l’article 5 de la convention, la France peut considérer que la SARL dispose d’une base fixe d’affaires sur son territoire et taxer la quote-part de résultat « effectivement réalisée » en France. La rectification s’accompagne de l’intérêt de retard majoré, puisque Genève n’a pas prélevé l’impôt correspondant.


5. Documentation prix de transfert : le master file « glorifié » n’excuse pas l’absence de données locales


Depuis le décret du 29 septembre 2023, toute entreprise française réalisant plus de 400 M€ de CA ou appartenant à un groupe de cette taille doit fournir un dossier prix de transfert – master file et local file – dans les trente jours d’une demande. La SAS, bien que petite, appartient au périmètre consolidé suisse ; l’obligation lui est transposée. Un unique PDF de 30 pages décrivant la stratégie globale ne suffit pas : sans analyse locale des comparables et politiques de marge, le fisc applique une présomption d’insuffisance ; il rectifie le résultat français et applique la majoration de 10 % pour documentation défaillante.



Cinq parades pour rester au-dessus du "Grütli"


1. Rédiger une convention intragroupe robuste décrivant la nature des services, la méthode de calcul de la rémunération et les moyens mis en œuvre.

2. Actualiser chaque année l’étude de prix de transfert, même pour une PME, en s’appuyant sur des bases de données de comparables européennes.

3. Documenter toute avance de trésorerie : contrat, échéancier, taux de marché et motif économique.

4. Séparer physiquement les fonctions de négociation : un numéro de téléphone, une signature électronique et une messagerie suisse authentifient l’origine contractuelle.

5. Suivre la TVA intra-UE et hors UE : autoliquider, déduire, conserver les justificatifs d’exonération à l’export.



Pourquoi agir maintenant ?


Depuis le rapport d’avril 2024 de l’Inspection générale des finances, les contrôles ciblant les familles transfrontalières ont doublé. L’entraide administrative franco-suisse s’est élargie au volet prix de transfert ; la Suisse échange désormais les rulings fiscaux antérieurs à 2019.

Notre cabinet pilote depuis Lyon et Genève des diagnostics « flash » : cartographie des flux, test de pleine concurrence, sécurisation TVA, rédaction de conventions et gestion des demandes d’assistance mutuelle. Dans une entreprise familiale, le premier actif à protéger n’est pas le cash – c’est la paix domestique. Une rectification de prix de transfert finit toujours, tôt ou tard, par percer la carapace patrimoniale. Autant réparer les fissures avant que le fisc ne s’invite à table.


Vous avez des questions ? Contactez nous : https://www.rous-avocat.fr/contact

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