KYC : Plongée au cœur d'une obligation juridique stratégique en droit français
- Rodolphe Rous
- 16 mai
- 4 min de lecture

Le sigle KYC, pour "Know Your Customer" ("Connaissez Votre Client"), désigne une obligation juridique fondamentale pour la sécurité du système financier. Loin d'être une simple formalité, ce dispositif, ancré dans le droit français, contraint de nombreux professionnels à une identification précise de leurs clients afin de prévenir tout usage de leurs services à des fins criminelles, notamment le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Face à l'ingéniosité croissante des fraudeurs, le cadre réglementaire du KYC se renforce continuellement, imposant aux entreprises une vigilance toujours plus pointue. Cet article détaille les contours de cette obligation essentielle, à la lumière de la législation applicable et des évolutions de juin 2025.
Un cadre juridique précis et évolutif
L'obligation KYC est principalement définie aux articles L. 561-1 et suivants du Code Monétaire et Financier (CMF). Ce corpus législatif transpose en droit national les directives européennes successives en matière de LCB-FT.
L'année 2025 marque un tournant avec l'entrée en application du nouveau paquet réglementaire européen "AML" (Anti-Money Laundering). Celui-ci renforce l'arsenal existant via la 6ème Directive LCB-FT (AMLD6) et la création d'une autorité de supervision européenne, l'AMLA (Anti-Money Laundering Authority). Opérationnelle dès juillet 2025, elle coordonnera les régulateurs nationaux et assurera une application plus stricte et homogène des règles au sein de l'Union.
En France, le respect de ces obligations est contrôlé par deux gendarmes principaux :
L'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) pour les secteurs de la banque et de l'assurance.
L'Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour les prestataires de services d'investissement et les acteurs des marchés financiers, y compris les crypto-actifs.
Les entités assujetties : un périmètre défini par la loi
La liste des professionnels soumis à l'obligation KYC est exhaustivement détaillée à l'article L. 561-2 du Code Monétaire et Financier. Elle inclut notamment :
Les établissements de crédit et de paiement.
Les compagnies d'assurance et les mutuelles.
Les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).
Les conseillers en investissements financiers.
Les agents immobiliers.
Les professions juridiques réglementées comme les notaires et les avocats, dans le cadre de certaines de leurs missions.
Les experts-comptables.
Les opérateurs de jeux et de paris.
La mise en œuvre : une vigilance adaptée au risque
Le principe clé du KYC, inscrit à l'article L. 561-12 du CMF, est une approche par les risques. L'intensité des vérifications doit être proportionnelle au risque LCB-FT que présente un client.
Vigilance Standard : C'est le socle de l'obligation, défini à l'article L. 561-5 du CMF. Il impose d'identifier le client et de vérifier son identité avant d'entrer en relation d'affaires. Il faut également identifier le bénéficiaire effectif, défini à l'article L. 561-4-1 du CMF comme la personne physique qui contrôle en dernier lieu le client. L'organisme doit aussi, selon l'article L. 561-5-1, recueillir les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation d'affaires.
Vigilance Renforcée : L'article L. 561-10 du CMF impose des mesures de vigilance complémentaires pour les situations à risque élevé. C'est ce que l'on pourrait nommer un "KYC XXL". Ce niveau est notamment requis pour :
Les Personnes Politiquement Exposées (PPE).
Les relations avec des personnes provenant de pays tiers à haut risque.
Les opérations particulièrement complexes, d'un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite.
Cette vigilance renforcée requiert une investigation plus poussée sur l'origine du patrimoine et des fonds, ainsi qu'une surveillance continue et accrue des opérations, comme le prévoit l'article L. 561-6 du CMF.
Le processus KYC en pratique : les documents justificatifs
Pour satisfaire à ses obligations, l'entité assujettie doit collecter et vérifier des documents probants, dont la nature est précisée par des arrêtés d'application du CMF.
Pour une Personne Physique | Pour une Personne Morale (Société) |
Pièce d'identité officielle en cours de validité (CNI, passeport). | Extrait d'immatriculation au registre officiel (Kbis en France) de moins de 3 mois. |
Justificatif de domicile récent (facture d'énergie, quittance de loyer, etc.). | Statuts de la société certifiés conformes. |
Justificatifs de revenus et/ou d'activité professionnelle. | Document relatif aux bénéficiaires effectifs (tel que déposé au greffe). |
Pièce d'identité du ou des dirigeants et des bénéficiaires effectifs. |
Des sanctions dissuasives en cas de manquement
Le non-respect des obligations KYC expose à de lourdes sanctions administratives et pécuniaires, détaillées aux articles L. 561-36 et suivants du CMF. La commission des sanctions de l'ACPR ou de l'AMF peut prononcer des amendes se chiffrant en millions d'euros, des blâmes, voire un retrait d'agrément.
Les décisions rendues en 2024 et début 2025 confirment la fermeté des régulateurs, qui ciblent régulièrement les défaillances dans la mise à jour des dossiers clients, la faiblesse de l'analyse des risques et les lacunes dans les systèmes de surveillance des transactions.
En conclusion, l'obligation KYC est une composante centrale et dynamique du droit financier français. Sa correcte application, dictée par le Code Monétaire et Financier, est une condition sine qua non pour toute entité souhaitant opérer légalement et contribuer à l'intégrité du système économique. Loin d'être un simple fardeau, elle est une défense stratégique contre la criminalité financière.
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