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DAC 7 : la nouvelle carte d’identité fiscale des plateformes numériques Entre droit européen et droit français, une mue profonde du secret des affaires

  • Rodolphe Rous
  • 2 juin
  • 4 min de lecture

De Bruxelles à Paris : la genèse du dispositif


L’Union européenne a, depuis 2011, enrichi par strates successives la « directive sur la coopération administrative » — DAC 1, DAC 2 (CRS), DAC 3 (rulings), DAC 4 (CBCR), DAC 5 (accès aux registres UBO), DAC 6 (schémas transfrontières). La directive (UE) 2021/514 du 22 mars 2021, baptisée DAC 7, s’attaque cette fois au gisement opaque des revenus générés sur les marketplaces : location de logements ou de voitures, vente d’objets d’occasion, prestations de services à la demande, monétisation de contenus digitaux.


La France a transposé ce texte par l’ordonnance n° 2021-461 du 22 avril 2021 (art. 1 à 11), codifiée principalement à l’article 1649 ter A du Code général des impôts. Un décret n° 2022-1631 du 21 décembre 2022 ainsi qu’un arrêté du 4 janvier 2023 en précisent la mécanique : obligations déclaratives, format XML OCDE, seuils d’exclusion, contrôles, amendes.



Qui est concerné ?


Les « plateformes déclarantes » sont définies très largement : toute interface – site ou application – qui, directement ou indirectement, permet à des vendeurs, personnes physiques ou morales, de conclure à titre onéreux une opération pertinente. Le législateur français a repris la typologie européenne :

  • location d’immeubles (Airbnb, Abritel, Booking) ;

  • services personnels ou virtuels (Fiverr, Malt, OnlyFans, MYM) ;

  • vente de biens corporels (Le Bon Coin, ebay, Vinted) ;

  • location de moyens de transport (Getaround, Ouicar).


Si la plateforme a un lien qualifiant avec la France (siège, établissement stable, ou simplement des vendeurs taxables en France), elle doit s’enregistrer auprès de la DGFiP avant le 31 décembre de l’année précédant la première collecte de données.



Les données transmises : de l’alias au compte bancaire


Chaque mois de janvier, la plateforme dépose (« e-trustbox ») un fichier au format XML suivant la schématisation OCDE. Elle y mentionne pour chaque vendeur :

  • identité civile ou sociale, adresse, NIF, date de naissance ;

  • IBAN ou numéro de wallet, pays de résidence bancaire ;

  • chiffre d’affaires brut, commissions retenues, nombre d’opérations, éventuel numéro de TVA ;

  • pour l’immobilier : adresse précise de chaque lot, nombre de jours loués.


Le texte français exige en sus le document d’identité vérifié (pièce ou KYC avancé) lorsque le vendeur est une personne physique résidente.



Sanctions : de la suspension de compte à la pénalité fiscale


Pour la plateforme :

  • défaut de déclaration : 50 000 € d’amende (CGI, art. 1649 ter A VI) ;

  • déclaration incomplète : 250 € par donnée manquante dans la limite de 6 % du CA France.En cas de récidive, la DGFiP peut notifier à la plateforme de bloquer le compte des vendeurs récalcitrants dans un délai de trente jours.

Pour le vendeur : l’administration dispose désormais d’un fichier pré-rempli ; toute omission dans la 2042 ou la 2065 déclenche l’amende de 10 % (défaut de déclaration) et la majoration de 40 % pour manquement délibéré si l’écart dépasse 5 000 €.



Le calendrier de mise en œuvre


  • 2023 : collecte test par les plateformes ; en coulisse, ouverture du « portail DAC 7 » piloté par la DGFiP.

  • 31 janvier 2024 : premier reporting effectif portant sur l’année 2023.

  • juin 2024 : premier échange automatique entre autorités fiscales européennes. La DGFiP reçoit, d’Irlande et du Luxembourg, les flux Airbnb et Etsy relatifs aux vendeurs français.

  • 2025-2026 : montée en puissance des contrôles ESFP ciblés via algorithme data-mining.



Articulation avec le droit français pré-existant


  • Plateformes d’économie collaborative (art. 242 bis CGI) : la DAC 7 remplace le vieux mécanisme « Revenu > 3 000 € ou 20 transactions » introduit en 2016 ; ce dernier subsiste pour l’obligation de délivrance du récapitulatif annuel au vendeur, mais les seuils sont supprimés pour le reporting fiscal.

  • Impôts directs : l’article 92 (BNC) et le régime micro-BIC restent la porte d’entrée ; la DAC 7 n’apporte pas de nouvel impôt, elle facilite simplement la traçabilité des revenus.

  • Lutte anti-blanchiment : L.561-2 CMF ; les plateformes déjà assujetties (crowdfunding, e-money) cumulent désormais KYC/AML et reporting DAC 7.



Concrètement, que doit-on faire côté français ?


Plateforme : s’enregistrer, intégrer le module de collecte KYC (pièce d’identité, adresse, NIF), paramétrer le mapping vers le schéma XML OCDE, prévoir une procédure de due diligence annuelle, conserver les données dix ans.


Vendeur : demander son certificat de NIF français, vérifier son statut (micro-entreprise, micro-BNC, régime réel), intégrer l’intégralité des montants bruts « avant commission » dans la déclaration annuelle, autoliquider la TVA dès que le seuil de franchise – 36 800 € – est dépassé.



Conclusion : la fin de la zone grise pour la « plateforme-économie »


DAC 7 ne crée pas de nouvel impôt, mais un métier de reporting comparable aux obligations CRS pour les banques. À court terme, les vendeurs occasionnels découvriront l’imposition (et la CFE) ; à moyen terme, l’administration disposera d’une base pour détecter travail dissimulé et optimisation TVA.


Notre cabinet assiste déjà plusieurs places de marché françaises : due-diligence vendeurs, conformité RGPD/DAC 7, architecture des flux TVA et rédaction des CGU/CGV intégrant la clause de suspension obligatoire. Pour les créateurs de contenu comme pour les marketplaces, l’ère de la transparence fiscale intégrale est désormais une réalité ; mieux vaut la piloter que la subir.


Vous avez encore des questions ? Contactez nous : https://www.rous-avocat.fr/contact

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