Andorre, paradis fiscal ?
- Rodolphe Rous
- 28 juil.
- 3 min de lecture

Un passé sulfureux
Pendant des décennies, le micro-État niché entre France et Espagne a symbolisé « le secret bancaire pyrénéen ». Avant 2010, l’absence d’impôt sur le revenu et de fiscalité directe sur les sociétés, conjuguée à une culture profonde du secret, conférait au pays tous les attributs d’un paradis fiscal au sens traditionnel.
Le tournant législatif (2010-2025)
Sous la double pression de l’Union européenne et de l’OCDE, Andorre a progressivement adopté un véritable droit fiscal interne :
Imposition des sociétés (IS). Introduite par la Llei 95/2010, refondue par la Llei 5/2023 du 19 janvier 2023 et précisée par le Décret 595/2023 puis par le Décret 99/2025, l’IS frappe les bénéfices au taux nominal de 10 %, avec certains régimes préférentiels strictement encadrés.
Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPF). Mis en place en 2015, il applique un barème progressif (0 % à 10 %), exonérant les premiers 24 000 € de revenus salariaux — une fiscalité douce, mais plus aucune « absence d’impôt ».
Transparence et coopération internationale
Depuis 2018, Andorre échange automatiquement les informations financières selon la Common Reporting Standard (CRS) ; l’OCDE répertorie aujourd’hui le pays parmi les juridictions disposant de réseaux d’échange activés.
Côté Union européenne, la position est claire : Andorre ne figure plus sur la liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales (dernière mise à jour : 18 février 2025, 11 pays listés, Andorre absente).
Un régime demeuré attrayant
Malgré ces réformes, l’attractivité fiscale reste élevée :
Taux nominaux bas. IS et IRPF plafonnés à 10 %. Pour les entreprises innovantes, certaines déductions peuvent réduire l’impôt effectif. Golden Harbors
Absence de certains prélèvements. Pas de droits de succession, ni d’impôt sur les plus-values mobilières intra-groupe, et TVA (IGI) limitée à 4,5 %.
Dividendes sortants généralement exonérés de retenue à la source.
Ces caractéristiques expliquent qu’Andorre conserve un score de secret financier relativement modeste (rang 114/141 au Financial Secrecy Index 2025) tout en offrant un environnement fiscal léger.
Paradis fiscal ? Analyse juridique
Dans le droit positif international, deux références dominent :
Critères de l’UE (transparence, équité, anti-BEPS). Andorre satisfait ces trois volets ; elle est donc considérée « coopérative ».
Normes OCDE/FMI. Le pays est pleinement engagé dans les projets BEPS et échange sur demande ainsi qu’automatiquement. Aucune notation « partially compliant » ou « non-compliant » ne lui est attribuée à ce jour.
L’expression paradis fiscal n’a pas de définition juridique unique ; toutefois, les listes officielles (UE, OCDE, FMI) constituent des indices normatifs. Au regard de ces listes, Andorre ne relève plus de la catégorie des paradis fiscaux, même si sa fiscalité demeure plus douce que la moyenne européenne.
Points de vigilance actuels
Régimes préférentiels : la Commission européenne surveille l’application pratique des régimes IP-box et holding instaurés par la Llei 5/2023 afin d’éviter tout contournement.
Capacité administrative : l’augmentation du nombre d’accords d’échange impose de renforcer les moyens humains du Ministère des Finances pour garantir la réponse dans les délais OCDE (90 jours).
Pression internationale croissante : l’Association Agreement en négociation avec l’UE prévoit l’alignement progressif sur les directives ATAD 3 (substance) et DAC 8 (crypto-actifs), susceptibles d’atténuer davantage l’avantage comparatif andorran.
Conclusion
Le mythe du « paradis fiscal pyrénéen » ne résiste plus à l’examen juridique contemporain. Andorre s’est dotée d’une législation fiscale complète, applique l’échange automatique d’informations et coopère avec les autorités étrangères. Elle demeure toutefois un territoire à fiscalité légère, qui mise sur la stabilité politique et la sécurité juridique pour attirer investisseurs et résidents. Autrement dit : non, Andorre n’est plus un paradis fiscal au sens des standards internationaux ; oui, elle reste un havre fiscalement avantageux — nuance essentielle qu’il convient de rappeler dans tout débat éclairé.
Commentaires