
Au sein de l’Union européenne, l’Italie occupe une place économique de premier plan. Les acteurs commerciaux, les professionnels et les particuliers sont de plus en plus enclins à établir des relations transfrontalières, qu’il s’agisse de contrats de vente, de location, de prestation de services ou d’investissement. Dans ce contexte, comprendre les fondements du droit italien des contrats est un atout majeur pour tout juriste ou professionnel habitué aux règles françaises.
La rédaction d’un contrat international ou soumis à une loi étrangère exige rigueur et prudence. Si le droit italien et le droit français partagent de nombreux principes (héritage juridique romain, recours à des codifications nationales, etc.), ils conservent chacun leurs spécificités : terminologie, rôle de la cause, régime de l’inexécution, importance du recesso, etc.
Le présent article se propose de dresser un panorama clair et détaillé des mécanismes fondamentaux du contrat en droit italien. Il s’adresse avant tout à un public francophone (avocats, conseillers juridiques, chefs d’entreprise, particuliers) souhaitant conclure des actes dans la Péninsule, sécuriser des opérations d’envergure internationale ou simplement acquérir une meilleure connaissance de la tradition juridique italienne. Pour rendre la lecture plus éclairante, nous proposerons, au fil de l’exposé, quelques comparaisons avec le droit français, qui présente à la fois des proximités et des différences intéressantes.
Conçu dans un style accessible, ce guide est néanmoins solide sur le plan technique. Il reprend point par point les exigences du Code civil italien (Codice Civile, « c.c. »), met en garde contre les pièges les plus fréquents (questions de forme, nullités, clause résolutoire, etc.) et insiste sur l’importance de la bonne foi, principe transversal des relations contractuelles. En fin de parcours, nous proposerons quelques recommandations pratiques visant à faciliter la rédaction et l’exécution du contrat, ainsi qu’un aperçu des principaux moyens de résolution des litiges.
Ce faisant, notre ambition n’est pas d’entrer dans tous les détails du droit italien, mais bien de fournir une assise solide pour négocier et rédiger un contrat sur le marché transalpin. Une telle maîtrise permet de mieux défendre les intérêts des parties, d’éviter une insécurité juridique potentiellement préjudiciable et de nouer des relations d’affaires harmonieuses et durables.
I. Introduction générale : le rôle du contrat en droit italien
1. Qu’est-ce qu’un contrat en droit italien ?
L’article 1321 du Code civil italien (Codice Civile, ci-après « c.c. ») définit le contrat comme « l’accord de deux ou plusieurs parties pour constituer, réguler ou éteindre entre elles un rapport juridique patrimonial ». À l’instar de l’article 1101 du Code civil français (dans sa version pré-réforme), le contrat italien repose donc sur un accord de volontés qui produit des effets dans la sphère patrimoniale des parties.
Cette définition met en évidence trois points clés :
La nature bi- ou plurilatérale de l’accord : au moins deux personnes doivent manifester leur volonté.
Le caractère patrimonial du rapport : le but essentiel est la création ou la modification de droits et d’obligations de nature économique ou pécuniaire.
La finalité de l’acte : constituer un nouveau rapport juridique, le régir ou l’éteindre.
2. Le principe d’autonomie contractuelle
L’autonomie contractuelle est un principe fondamental, tant en droit italien qu’en droit français. L’article 1322 c.c. prévoit que les parties sont libres de conclure un contrat et d’en fixer librement le contenu, dans les limites imposées par la loi, l’ordre public et les bonnes mœurs. C’est la traduction italienne du principe de la liberté contractuelle que l’on retrouve également en France.
Cette liberté permet notamment :
De choisir parmi les contrats “nommés” (tipici), c’est-à-dire prévus et réglementés par la loi (comme la vente, le bail, le mandat, etc.).
De conclure des contrats “innomés” (atipici), dès lors qu’ils poursuivent un intérêt digne de protection selon l’ordre juridique. Par exemple, un contrat de “contrat-cadre” ou des conventions de partenariat qui ne correspondent pas exactement à un type légal.
D’insérer des éléments accessoirs (voir plus loin : condition, terme, mode) afin d’adapter le contrat à des besoins spécifiques.
Toutefois, cette liberté connaît des limites : les règles impératives (normes d’ordre public, bonnes mœurs, etc.) ne peuvent être transgressées, sous peine de nullité du contrat.
3. Un bref regard comparatif avec le droit français
En droit français, le principe de liberté contractuelle est affirmé à l’article 1102 du Code civil (issu de la réforme opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016). Les principes de validité d’un contrat, quant à eux, se retrouvent principalement aux articles 1128 et suivants, introduisant la notion de « contenu » licite et certain, de consentement libre et éclairé ainsi que de capacité des parties.
L’on retrouve donc beaucoup de similitudes entre les deux systèmes. Toutefois, la terminologie peut différer, et il convient de bien s’imprégner du vocabulaire italien (par exemple, la « cause » en droit italien, distincte des motivi – motifs subjectifs – n’a pas la même portée qu’en droit français depuis la réforme de 2016, où la “cause” a été remplacée par le “contenu” licite et certain).
II. Les éléments constitutifs du contrat : l’accord, la cause, l’objet et la forme
Pour comprendre comment rédiger un contrat en droit italien, il est nécessaire de connaître les éléments indispensables à sa validité. L’article 1325 c.c. dresse la liste de ces « éléments essentiels », sans lesquels le contrat est entaché de nullité.
1. L’accord des parties
L’accord (consenso) est l’aboutissement d’une rencontre de volontés : d’un côté, la proposition (proposta) ou offre de contracter ; de l’autre, l’acceptation (accettazione).
1.1. Formation de l’accord
La proposition doit être suffisamment ferme et précise pour permettre à l’autre partie d’y consentir sans ambiguïtés. L’acceptation, quant à elle, doit conformer à la proposition. Si l’acceptation est divergente, même sur un point mineur, on se retrouve en présence d’une contre-proposition.
En droit italien, comme en droit français, il est possible que les parties entament des pourparlers (trattative) avant de parvenir à un accord final. À ce stade, si les négociations échouent, il n’existe en principe aucune responsabilité contractuelle ; il n’y a pas encore de contrat parfait. Toutefois, la responsabilité précontractuelle (culpa in contrahendo) peut être engagée lorsqu’une partie rompt de mauvaise foi les négociations en causant un préjudice à l’autre.
1.2. Modalités de conclusion à distance
En matière de contrats dits « à distance » (courriers, e-mails, plateformes électroniques, etc.), l’article 1326 c.c. précise que le contrat est conclu lorsque l’auteur de la proposition a connaissance de l’acceptation. Il existe en droit italien une présomption de connaissance (art. 1335 c.c.) : la déclaration (offre, acceptation, révocation) est réputée connue au moment où elle parvient à l’adresse du destinataire, à moins que ce dernier ne prouve qu’il a été dans l’impossibilité d’en prendre connaissance sans faute de sa part.
Cette règle est assez proche de la doctrine française sur la réception de l’offre et de l’acceptation, quoique le droit français ait longtemps oscillé entre la théorie de la réception et celle de l’émission. Depuis la réforme, la théorie de la réception est davantage retenue.
1.3. Le cas particulier des contrats réels
En Italie, il existe des contratti reali, tels que le mutuo (prêt de consommation), le deposito (dépôt), le pegno (gage), qui se forment non seulement par l’échange de consentements, mais aussi par la remise matérielle de la chose (traditio). Il s’agit d’une exception au principe consensualiste (selon lequel le seul échange de volontés suffit à former le contrat).
En droit français, certains contrats tels que le prêt à usage (commodat) ou le dépôt impliquent également une remise de la chose, mais la qualification de « contrat réel » est moins présente depuis la réforme de 2016. Toutefois, on continue de reconnaître que la remise de la chose est un élément constitutif dans certains cas (ex. le contrat de prêt demeure un contrat réel en droit français).
2. La cause
La cause (causa) en droit italien est la raison objective pour laquelle les parties s’obligent réciproquement, autrement dit la fonction socio-économique du contrat (ex. la cause de la vente est l’échange d’une chose contre un prix). Il est crucial de ne pas confondre la cause avec les motivi (motifs personnels), qui sont indifférents pour la validité du contrat, sauf s’ils sont érigés en condition contractuelle ou qu’ils constituent le seul mobile déterminant et illicite (article 1345 c.c.).
En droit français, la notion de cause a été réformée ; on parle désormais du “contenu” du contrat (art. 1128 et s. C. civ.), devant être licite et certain. L’ancienne distinction “cause objective/cause subjective” n’a plus la même portée, mais la substance reste très proche : on vérifie si l’opération poursuivie par les parties n’est pas contraire à l’ordre public ou dépourvue de tout objet concret.
En Italie, la cause illicite (contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou à une norme impérative) entraîne la nullité du contrat.
3. L’objet
L’objet du contrat (oggetto) se définit comme la prestation ou la chose sur laquelle porte l’obligation (par exemple, la marchandise vendue, le service fourni, la somme prêtée, etc.).
Selon l’article 1346 c.c., l’objet doit être :
Possible : la prestation doit être réalisable au plan naturel et juridique.
Licite : ne pas violer de norme impérative, ne pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Déterminé ou déterminable : on doit pouvoir identifier la chose ou le service objectivement.
Cette exigence de détermination ou déterminabilité est comparable en droit français : l’article 1128 C. civ. requiert notamment un objet certain et licite (aujourd’hui, un “contenu” licite et certain).
4. La forme
En principe, le droit italien, comme le droit français, reconnaît le principe du consensualisme et donc de la liberté de forme. Cependant, pour certains actes, une forme spéciale est requise (écrite, authentique, etc.) ad substantiam (ce qui signifie qu’à défaut, l’acte est nul).
Par exemple, la vente d’un bien immobilier exige un acte écrit (éventuellement notarié) en Italie, de même qu’en France un acte notarié ou un écrit sous signature privée conforme est nécessaire pour la validité de la mutation immobilière.
On distingue la forme ad probationem, requise seulement pour prouver l’existence du contrat (la non-observation de la forme n’entraîne pas la nullité, mais rend la preuve plus difficile), et la forme ad substantiam, dont l’absence provoque la nullité du contrat.
III. L’interprétation du contrat
Même quand le contrat est correctement formé, il peut exister des ambiguïtés ou des lacunes. Le droit italien, aux articles 1362 à 1371 c.c., fixe les principes directeurs de l’interprétation. Le but est de rechercher la commune intention des parties et le sens objectif des clauses.
1. Les critères d’interprétation en droit italien
Criteri soggettivi : on cherche d’abord la volonté réellement commune des parties. On peut recourir à la nature des négociations, au comportement postérieur des cocontractants, etc.
Criteri oggettivi : si la volonté reste incertaine, on interprète le texte selon la loi, les usages ou l’équité. Les clauses s’interprètent les unes par rapport aux autres pour dégager une cohérence d’ensemble.
2. Comparaison avec le droit français
Le droit français repose sur un socle similaire (art. 1188 s. C. civ.), où l’on tente de déterminer la volonté des parties et, à défaut, on adopte une interprétation conforme à la « personne raisonnable placée dans la même situation ». Cette proximité théorique facilite la compréhension mutuelle de juristes italiens et français.
3. La place de la bonne foi
La bonne foi (buona fede) est un principe général du droit italien. À l’article 1366 c.c., il est stipulé que le contrat doit s’interpréter de bonne foi. En droit français, la bonne foi est également un principe directeur (art. 1104 et 1103 C. civ.) régissant la formation et l’exécution du contrat.
IV. Les éléments accessoires : condition, terme et mode
Les éléments accessoires (detti anche accidentali) offrent une plus grande flexibilité et une adaptation plus fine aux intérêts concrets des parties. Ils peuvent être insérés ou non, et ne remettent pas en cause la validité de l’acte principal.
1. La condition
La condition (condizione) est un événement futur et incertain dont dépend l’effet du contrat :
Condition suspensive : les effets du contrat ne se produisent qu’au moment où la condition se réalise (ex. “Je m’engage à acheter cette maison si mon prêt bancaire est accordé”).
Condition résolutoire : le contrat produit ses effets dès sa conclusion, mais ils cesseront si la condition se réalise (ex. “Je te concède ce droit jusqu’à ce que tu termines tes études”).
L’article 1353 c.c. précise que la condition doit être licite et possible. En cas de condition illicite ou impossible, le contrat peut être nul (si la condition est suspensive) ou la condition est réputée non écrite (si elle est résolutoire).
2. Le terme
Le terme (termine) est un événement futur et certain, qui diffère ou éteint les effets du contrat :
Terme initial : la prise d’effet du contrat est retardée jusqu’à une date ou un événement précis (ex. “Le bail commence le 1er mars”).
Terme final : les effets prennent fin à l’échéance convenue (ex. “La location prend fin le 31 décembre”).
À la différence de la condition, on ne remet pas en cause l’incertitude de la survenance : le terme arrivera forcément, mais on ignore précisément quand (ou on sait parfaitement le jour, dans le cas d’une date fixe).
3. Le mode (onere)
Le mode (appelé aussi onere) est une charge imposée à celui qui bénéficie d’un acte à titre gratuit (ex. donation, legs, etc.). Il consiste à exiger que le bénéficiaire accomplisse une prestation particulière. S’il ne le fait pas, il peut perdre le bénéfice, ou être tenu à réparation.
En droit italien, le mode s’applique surtout aux actes de libéralité (art. 793 c.c. pour la donation, etc.). Néanmoins, la doctrine admet parfois son insertion dans certains contrats gratuits.
V. L’efficacité et la portée du contrat
1. Force obligatoire entre les parties
L’article 1372 c.c. prévoit que le contrat « a force de loi entre les parties ». Cela signifie qu’une fois validement formé, le contrat s’impose aux cocontractants comme une norme qu’ils auraient créée eux-mêmes. Cette conception est très proche de l’adage français « Le contrat fait la loi des parties ».
Il en résulte que :
Les parties ne peuvent modifier ou annuler le contrat que d’un commun accord (mutuo consenso) ou dans les cas prévus par la loi.
Le contrat ne produit pas d’effets à l’égard des tiers (principe de relativité), sauf exceptions légales spécifiques.
2. Les effets à l’égard des héritiers et ayants cause
Le contrat s’impose également :
Aux successeurs universels (ex. héritiers), qui reprennent tous les droits et obligations de leur auteur.
Aux ayants cause à titre particulier (ex. acquéreurs du bien objet du contrat), dans les limites déterminées par la nature du droit transmis.
3. Comparaison avec le principe de relativité en droit français
Le droit français consacre le principe de relativité des conventions : un contrat ne peut ni nuire ni profiter à des personnes qui n’y sont pas parties (art. 1199 C. civ.). Il existe cependant des stipulations pour autrui (art. 1205 et s. C. civ.) ou d’autres mécanismes permettant d’étendre certains effets ou d’introduire un tiers bénéficiaire.
VI. L’exécution du contrat
1. La bonne foi dans l’exécution
L’article 1375 c.c. consacre l’idée que le contrat doit être exécuté de bonne foi (buona fede). Il s’agit d’un principe d’ordre général, qu’on retrouve en France (art. 1104 C. civ.), et qui impose aux parties de collaborer loyalement et d’éviter de porter atteinte aux intérêts légitimes de l’autre cocontractant.
On considère souvent cette bonne foi comme un principe de solidarité contractuelle : chacune des parties doit faciliter l’exécution de l’autre, éviter des comportements malhonnêtes, etc.
2. Les différentes catégories de contrats selon leur exécution
En droit italien, il est utile de distinguer :
Contratti a esecuzione istantanea : ils s’exécutent en une seule fois (ex. la vente comptant).
Contratti a esecuzione continuata : la prestation s’étale dans le temps (ex. un contrat de bail où le preneur jouit du bien à travers toute la durée).
Contratti a esecuzione periodica : la prestation s’effectue périodiquement (ex. une redevance mensuelle, un abonnement, etc.).
En droit français, on trouve des catégories analogues, avec notamment les contrats à exécution instantanée et les contrats à exécution successive (art. 1111-1 C. civ.).
3. Le principe de diligence
L’obligation doit être exécutée avec la diligence d’un « bon père de famille » (art. 1176 c.c.). Cela sous-entend un standard de comportement moyen (honnêteté, prudence, soin) qui peut être renforcé si, par exemple, la prestation exige un niveau de compétence ou de qualification plus élevé.
En France, la diligence est moins formellement décrite comme celle du “bon père de famille” depuis la réforme, mais le niveau d’exigence est similaire. On peut exiger d’une partie qu’elle se comporte avec prudence et loyauté, en tenant compte de l’expertise qu’elle revendique.
VII. Les voies de dissolution unilatérale : le “recesso”
1. Définition et régime général
En droit italien, le recesso est la faculté, pour l’une des parties, de se libérer unilatéralement d’un contrat. L’article 1373 c.c. énonce que cette prérogative peut exister en vertu de la loi (recesso legale) ou en vertu d’une clause contractuelle (recesso convenzionale).
Recesso legale : Plusieurs contrats nommés (ex. bail, mandat, contrat de prêt…) prévoient, dans certaines conditions, la possibilité de rompre unilatéralement la relation.
Recesso convenzionale : Les parties peuvent insérer une clause permettant à l’une d’elles ou aux deux de se retirer. Souvent, la clause s’accompagne d’un dédommagement (ex. caparra penitenziale ou “arrhes pénitentiels” en France) dû à la partie qui subit le recesso.
2. Limites au recesso
La partie souhaitant se retirer doit exercer ce droit avant que le contrat n’ait reçu un « début d’exécution » (art. 1373 al. 1 c.c.), ou dans les délais et conditions prévus par la clause. Dans les contrats à exécution continue ou périodique, le recesso met fin au contrat pour l’avenir (effet ex nunc), sans affecter les prestations déjà exécutées.
3. Comparaison rapide avec le droit français
Le droit français ne consacre pas la notion générale de “recesso”, mais connaît diverses formes de facultés de rétractation ou de résiliation unilatérale. Par exemple, le délai de rétractation en matière de consommation (art. L221-18 du Code de la consommation) ou la résiliation unilatérale dans le contrat de bail d’habitation pour le locataire (art. 12 de la loi du 6 juillet 1989). De même, la clause de résiliation unilatérale peut être insérée dans un contrat, sous réserve qu’elle ne soit pas abusive ou contraire à l’ordre public.
VIII. Les “pathologies” du contrat : invalidité, inefficacité et autres remèdes
En droit italien comme en droit français, le contrat doit remplir des conditions de validité (consentement, capacité, contenu licite, etc.). Lorsqu’il s’avère que ces conditions font défaut ou qu’un vice survient, il existe plusieurs mécanismes pour sanctionner ou corriger l’acte.
1. La nullité (nullità)
La nullité est la sanction la plus lourde. L’article 1418 c.c. énonce que le contrat est nul notamment lorsqu’il est contraire à des normes impératives, ou que fait défaut un élément essentiel (accord, cause, objet, forme ad substantiam).
1.1. Caractéristiques de la nullité
Effet rétroactif total : un contrat nul est considéré comme n’ayant jamais existé.
Régime d’ordre public : la nullité protège l’intérêt général ; on dit qu’elle est absolue, donc toute personne intéressée peut la faire valoir.
Imprescriptible en tant que demande reconventionnelle ou exception : la nullité peut être soulevée à tout moment devant le juge s’il ressort des pièces du dossier qu’il y a violation d’une norme impérative.
En droit français, on retrouve une similitude avec la nullité absolue, qui protège l’intérêt général et peut être invoquée par tout intéressé (C. civ., art. 1178 et s.).
2. L’annulabilité (annullabilità)
L’annulabilité concerne des vices moins graves, affectant l’intérêt particulier d’une partie plutôt que l’ordre public. On la rencontre notamment en cas d’incapacité d’une partie ou de vices du consentement (erreur, dol, violence).
2.1. Conséquences
Le contrat annullabile produit ses effets jusqu’à ce qu’il soit annulé par le juge.
Seule la partie protégée ou ses représentants peuvent agir en annulation.
L’action est prescriptible (5 ans à compter du jour où le vice a cessé ou de la conclusion du contrat).
En droit français, on parle de nullité relative pour désigner des situations similaires (art. 1130 et s. C. civ.).
3. La rescissione (rescission)
La rescission (rescissione) peut être demandée lorsqu’un déséquilibre considérable affecte l’échange contractuel, né de circonstances particulières comme :
Le contrat conclu en état de danger (art. 1447 c.c.) : lorsqu’une partie s’est obligée à des conditions extrêmement défavorables pour échapper à un péril grave (visant la personne elle-même ou un proche).
Le contrat léonin (art. 1448 c.c.), lorsque la lésion subie par une partie excède la moitié de la valeur de la prestation. On parle de lésion ultra dimidium. Encore faut-il que l’autre partie ait profité sciemment de la situation de besoin ou de faiblesse de la victime.
La rescissione, si elle est prononcée, oblige à restituer les prestations déjà exécutées. L’action se prescrit par un an seulement.
En droit français, la notion de lésion existe, mais elle est beaucoup plus restreinte (réservée à certains contrats comme la vente d’immeuble). Depuis la réforme, la lésion n’est pas, en principe, un motif général de nullité, sauf exceptions (ex. lésion dans les cessions de droits successifs, vente d’immeuble, etc.).
4. La risoluzione (résolution)
La résolution concerne des problèmes postérieurs à la conclusion du contrat. Elle peut être prononcée pour :
Inexécution ou violation d’une obligation (inadempimento).
Impossibilité d’exécution survenue après la conclusion du contrat, pour une cause non imputable au débiteur.
Excessive onerosité (évolution des circonstances ayant rendu l’exécution d’une prestation beaucoup plus coûteuse ou complexe).
4.1. Résolution pour inadempimento
L’article 1453 c.c. précise que si l’une des parties n’exécute pas son obligation, l’autre peut demander l’exécution ou la résolution du contrat, avec possibilité d’obtenir des dommages-intérêts. Une fois la résolution judicaire demandée, on ne peut plus exiger l’exécution.
a) La diffida ad adempiere
La diffida ad adempiere (art. 1454 c.c.) permet à la partie victime de l’inexécution de mettre en demeure l’autre, par écrit, d’exécuter le contrat dans un délai raisonnable (au minimum 15 jours, sauf convention contraire). À défaut d’exécution, le contrat est résolu de plein droit.
b) La clause résolutoire expresse
Il est possible d’insérer une clause résolutoire expresse (art. 1456 c.c.) prévoyant que, si telle obligation n’est pas exécutée, le contrat sera résolu automatiquement, sur simple déclaration de la partie non défaillante.
c) Le terme essentiel
Si la date fixée pour l’exécution est considérée comme essentielle, l’inexécution à l’échéance provoque la résolution automatique (art. 1457 c.c.). Un exemple type est la livraison d’une robe de mariée après la date du mariage.
4.2. Résolution pour impossibilité sopravvenuta
Lorsqu’une prestation devient impossible pour une raison non imputable au débiteur (événement de force majeure, etc.), le débiteur est libéré et le contrat doit être résolu (art. 1463 c.c.). La contrepartie n’est alors plus exigible.
Si l’impossibilité est partielle, la partie non défaillante peut exiger une réduction proportionnelle de sa propre obligation ou demander la résolution si elle n’a plus d’intérêt à une exécution partielle.
4.3. Résolution pour eccessiva onerosità
Si un événement imprévisible et extraordinaire survient, rendant la prestation d’une partie excessivement onéreuse, le contrat peut être résolu. Toutefois, l’autre partie peut éviter la résolution en proposant une modification équitable (art. 1467 c.c.).
En droit français, la théorie de l’imprévision (art. 1195 C. civ.) introduite par la réforme de 2016 est proche : le juge peut réviser le contrat ou y mettre fin si un changement de circonstances imprévisible rend l’exécution excessivement onéreuse.
IX. Focus pratique : conseils pour rédiger un contrat en droit italien
1. Soigner l’identification des parties
Veiller à recueillir avec précision :
L’identité, la raison sociale (pour les sociétés), le numéro de TVA ou d’immatriculation (Partita IVA) pour les entreprises italiennes.
L’adresse et l’indication de la représentation légale.
2. Clarifier la cause et l’objet
Cause : Expliquer la finalité économique et sociale du contrat.
Objet : Décrire clairement les prestations, les biens ou services concernés, avec toute la détermination nécessaire.
3. Vérifier les contraintes de forme
Considérer si une forme écrite est requise ad substantiam (en matière immobilière, par exemple).
Penser aux mentions obligatoires (en droit de la consommation, contrats bancaires, etc.).
4. Encadrer la responsabilité précontractuelle
Lors de négociations, envisager une clause de confidentialité ou de non-divulgation, et préciser l’étendue des devoirs de bonne foi, afin d’éviter tout litige sur la culpa in contrahendo.
5. Anticiper la résolution et les mécanismes de sortie
Intégrer éventuellement une clause résolutoire expresse en cas d’inexécution grave.
Préciser les modalités de la diffida ad adempiere.
Inclure ou non une clause de réexamen (renégociation) si un changement majeur intervient (inspirée de la théorie de l’imprévision).
6. Penser à la loi applicable et à la juridiction compétente
En présence d’une dimension internationale, insérer une clause de droit applicable et de tribunal compétent (ou clause d’arbitrage). En cas de cocontractant français/italien, décider si c’est le droit italien ou le droit français qui s’applique, et quel tribunal jugera d’un éventuel litige.
X. Quelques parallèles utiles avec le droit français
1. Évolution récente de la notion de cause en France
Auparavant, la cause française recoupait en partie la causa italienne. Depuis la réforme de 2016, la France insiste davantage sur le contenu du contrat, qui doit être licite et certain. La cause subjective (motifs personnels) est devenue inopérante, à moins qu’ils n’aient été élevés au rang de condition. De ce point de vue, la cause italienne demeure plus présente en tant que concept autonome.
2. Principe de bonne foi et ordre public
La bonne foi est un principe directeur commun. Toutefois, les juges italiens, de tradition plus romaniste, attachent parfois une importance encore plus grande à la bonne foi que les juges français. L’ordre public (ordine pubblico) et les bonnes mœurs (buon costume) jouent un rôle similaire dans les deux pays.
3. Convergence sur la relativité contractuelle et l’effet obligatoire
Les deux droits consacrent la force obligatoire du contrat (art. 1372 c.c. et art. 1103, 1104 et 1199 C. civ. fr.). Les divergences concernent surtout les exceptions et les nuances (stipulation pour autrui, action directe, etc.).
XI. Conclusions et recommandations finales
La rédaction d’un contrat en droit italien requiert une vigilance particulière quant à la cause, à la forme éventuelle exigée par la loi, ainsi qu’aux règles propres à la conclusion et à la résolution de l’accord. Le parallélisme avec le droit français est fort, mais ne doit pas masquer les singularités italiennes :
Le principe consensualiste italien est parfois contredit par l’existence de contrats réels (mutuo, deposito, pegno…).
La cause reste un concept officiellement reconnu et essentiel, tandis qu’en France, la notion est redéfinie.
Le recesso italien offre une forme de “sortie” unilatérale plus explicite que la résiliation unilatérale française, mais soumis à des conditions strictes.
Les actions en nullité et en annulation (annullabilità) s’alignent globalement sur les nullités absolue et relative françaises, tandis que la rescission pour lésion ultra dimidium est plus large que les quelques hypothèses de lésion reconnues en France.
La résolution peut s’obtenir de plein droit en cas de clause résolutoire expresse, de diffida ad adempiere ou de terme essentiel, ce qui est en pratique assez proche de la résolution de plein droit française (clause résolutoire, etc.), tout en conservant certaines spécificités procédurales.
Pour sécuriser un contrat régi par le droit italien :
Lister clairement les obligations principales et accessoires (prix, objet, délais, garanties).
Insérer des clauses d’arbitrage ou d’élection de for, si la relation est internationale.
Anticiper les hypothèses d’inexécution (clause pénale, clause résolutoire, …).
Définir la forme requise, surtout pour les biens immobiliers ou les contrats exigeant un acte notarié.
Vérifier le respect des normes impératives (Code de la consommation italien, droit du travail, législation spéciale sur certains secteurs).
Enfin, il est recommandé de faire appel à un professionnel ayant une connaissance approfondie droit italien pour s’assurer de la conformité formelle et matérielle du contrat.
Rédiger un contrat en droit italien implique d’intégrer des principes communs au droit français, mais aussi des spécificités propres à l’Italie (à commencer par la force de la cause, le recesso et la rescission). Il est judicieux de solliciter un professionnel local pour éviter tout contentieux lié à une erreur formelle ou substantielle. Dans le contexte de la mondialisation, acquérir une vue d’ensemble de ces mécanismes est un atout majeur pour tout praticien du droit ou entrepreneur francophone amené à contractualiser sur le marché italien.
Source (code civil italien): https://www.altalex.com/documents/codici-altalex/2015/01/02/codice-civile
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