Contrôle URSSAF. Comment réagir ?
- Rodolphe Rous
- 1 mai
- 5 min de lecture

Le contrôle URSSAF constitue une étape structurante dans la vie d’une entreprise, au même titre qu’un contrôle fiscal. Il vise à garantir la conformité des pratiques de l’employeur avec la législation sociale, notamment en matière de recouvrement des cotisations. S’il est souvent redouté, il est aussi parfaitement encadré, régi par un corpus juridique précis, et ouvre un dialogue contradictoire avec l’organisme de recouvrement. En 2024, plus de 46 000 contrôles ont été diligentés, générant 1,4 milliard d’euros de redressements.
Face à un environnement réglementaire en constante évolution, marqué par la digitalisation de la déclaration sociale (DSN), le recours accru à l’intelligence artificielle dans la détection des anomalies, l’essor du télétravail international ou encore la transformation des formes d’emploi, les entreprises doivent renforcer leur capacité d’anticipation et de réaction.
Le cadre juridique du contrôle URSSAF
Le contrôle URSSAF trouve son fondement aux articles L. 243-7 et R. 243-59 du Code de la sécurité sociale. L’agent chargé du contrôle, dûment habilité, peut intervenir pour vérifier la régularité des déclarations sur une période de trois ans (hors travail dissimulé), soit de N-3 à l’année en cours. Le contrôle est précédé d’un avis écrit, précisant les dates, l’objet, l’identité de l’agent et l’envoi de la Charte du cotisant contrôlé.
La Charte du cotisant contrôlé, dans sa version de février 2024, est opposable. Son absence peut entraîner la nullité du contrôle. Elle rappelle les droits de l’entreprise, notamment le droit à l’assistance par un conseil, à un débat contradictoire, et à une prorogation du délai de réponse aux observations.
Depuis 2021, la doctrine administrative URSSAF est centralisée dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS). Cette doctrine est opposable dès sa publication, et permet à l’employeur d’invoquer les tolérances administratives ou interprétations favorables dans sa défense.
L’anticipation et la préparation
Le meilleur moyen de limiter l’impact d’un contrôle URSSAF est de s’y préparer.
A ce stade, on ne peut que recommander l'assistance d'un avocat rompu à la matière, qui vous permettra d'éviter bien des écueils.
Cela passe aussi par une analyse de cohérence entre les données déclarées dans la DSN et la réalité de la paie. Les écarts entre le montant net social et les assiettes de cotisations peuvent déclencher un signalement automatisé.
La consolidation des données, le contrôle de l’exhaustivité des bulletins, et la vérification des rubriques sensibles (heures supplémentaires, frais professionnels, avantages en nature, exonérations) constituent les premiers gestes utiles.
Une veille documentaire rigoureuse est également indispensable. Les bulletins de paie, contrats de travail, justificatifs de remboursement de frais, décisions unilatérales de l’employeur, accords collectifs, attestations Pôle emploi, éléments relatifs aux exonérations ou au statut des travailleurs doivent être archivés et classés. Le contrôle peut également porter sur les détachements internationaux, le recours à l’intérim, les CDD d’usage, les ruptures conventionnelles ou les régimes d’intéressement.
Enfin, une attention particulière doit être portée à l’alignement entre paie, comptabilité et déclarations sociales. L’absence de justification d’un écart dans un sens ou dans l’autre peut être interprétée comme une tentative de minoration de l’assiette.
L’annonce du contrôle et le début des échanges
L’avis de contrôle est notifié par courrier recommandé avec accusé de réception, ou par voie électronique si l’entreprise a opté pour ce mode de communication. Il précise la période contrôlée, le type de contrôle (sur place ou sur pièces), l’identité de l’agent et rappelle les droits du cotisant.
Le délai de prévenance est de trente jours, à compter de la réception de l’avis. Ce délai permet à l’entreprise de se préparer : centralisation des pièces, désignation d’un interlocuteur, organisation interne. Il est aussi possible de solliciter un entretien préalable avec l’agent contrôleur pour clarifier le périmètre.
En pratique, les URSSAF privilégient aujourd’hui le contrôle sur pièces, c’est-à-dire à distance, via échange de courriels sécurisés et transmission électronique des justificatifs. Toutefois, en cas de besoin ou de difficulté, l’agent peut décider d’un déplacement dans les locaux de l’entreprise.
Le déroulement du contrôle
Durant la phase de contrôle, l’agent peut consulter tout document utile, solliciter des explications orales ou écrites, et vérifier la cohérence entre les données déclarées et les pratiques internes. L’entreprise est tenue de coopérer, de transmettre les pièces dans un délai raisonnable, et de ne pas faire obstacle à l’enquête.
Le contrôle donne lieu à une restitution des constats sous forme de lettre d’observations. Cette lettre doit être motivée, chiffrée, et mentionner l’ensemble des documents examinés. À défaut, la procédure est susceptible d’être annulée.
À réception de cette lettre, l’entreprise dispose d’un délai de trente jours pour formuler ses observations. Ce délai peut être prorogé sur demande motivée. La réponse peut consister en une contestation argumentée ou en une régularisation spontanée, laquelle permet de bénéficier d’un allègement des majorations.
La mise en demeure et le recouvrement
Si les observations de l’entreprise ne sont pas retenues, l’URSSAF peut notifier une mise en demeure. Celle-ci constitue un préalable obligatoire au recouvrement forcé. Elle mentionne le montant des cotisations réclamées, les périodes concernées, et les voies de recours. Elle déclenche également l’application des intérêts de retard et, le cas échéant, des majorations spécifiques.
L’entreprise dispose alors d’un délai d’un mois pour régler la somme due, demander un échéancier, ou introduire un recours devant la commission de recours amiable (CRA).
Les recours amiables et juridictionnels
La première voie de recours est celle de la CRA. La demande doit être motivée, accompagnée des pièces justificatives, et adressée dans les deux mois suivant la notification de la mise en demeure. La CRA statue dans un délai d’un mois. À défaut de réponse, le silence vaut rejet implicite.
En cas de désaccord persistant, l’entreprise peut saisir le pôle social du tribunal judiciaire. Le recours doit être formé dans un délai de deux mois suivant la décision de la CRA. Il peut porter sur la régularité formelle du contrôle, sur les fondements juridiques du redressement ou sur l’interprétation des textes applicables. L’assistance par un avocat est fortement recommandée.
Les marges de discussion et la médiation
Parallèlement aux recours classiques, l’entreprise peut solliciter le médiateur de l’URSSAF. Ce recours, non suspensif des délais contentieux, permet dans certains cas de résoudre à l’amiable un litige ou une incompréhension portant sur une partie des redressements. Il suppose une bonne foi réciproque et une volonté réelle de dialogue.
Le médiateur peut proposer une solution, émettre une recommandation, ou inviter les parties à poursuivre les échanges dans un cadre plus apaisé. Cette voie est particulièrement utile pour les redressements de faible montant, les erreurs isolées ou les litiges portant sur des situations nouvelles ou ambiguës.
L’après-contrôle et les obligations récurrentes
Une fois le contrôle clos, il est vivement conseillé de procéder à un audit interne pour identifier les points d’amélioration à mettre en œuvre. Certaines régularisations peuvent être étendues volontairement sur des périodes non contrôlées, afin de prévenir tout futur litige. Il est également opportun de mettre à jour les procédures internes, les chartes de paie, les guides RH, et de documenter les arbitrages retenus.
La relation avec l’URSSAF ne s’arrête pas avec le contrôle. L’entreprise reste tenue de déclarer mensuellement via la DSN, de justifier toute exonération sollicitée, et de conserver pendant six ans les pièces justificatives des rémunérations, avantages et cotisations.
En conclusion, le contrôle URSSAF est une procédure encadrée, qui obéit à des règles précises et à un calendrier rigoureux. Il ne doit ni être minimisé, ni dramatisé. Une entreprise bien préparée, organisée et juridiquement accompagnée dispose de tous les outils pour faire valoir ses droits, réduire les risques de redressement et améliorer durablement sa conformité sociale. L’enjeu n’est pas seulement financier : il est aussi managérial et stratégique.
Pour toute question, contactez nous :https://www.rous-avocat.fr/contact
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