
1. Introduction
Chaque année, de plus en plus de Français décident d’investir dans l’immobilier à l’étranger. Que ce soit pour diversifier leur patrimoine, profiter d’opportunités de marché, ou parce qu’ils ont déménagé hors de France, la détention et la location d’un bien immobilier à l’étranger posent des questions fiscales spécifiques. Comment déclarer ses revenus fonciers étrangers ? Quel régime fiscal s’applique ? Quels formulaires compléter ? Et surtout, quels sont les risques en cas de non-déclaration ?
Cet article a pour vocation de répondre, en détail, à ces interrogations. Il se veut le plus complet possible et est destiné à être un guide pratique pour tout contribuable français percevant des loyers issus d’un bien immobilier hors de France métropolitaine et des départements d’outre-mer. Nous y aborderons les bases légales, la notion de résidence fiscale, les différents dispositifs pour éviter la double imposition, les obligations déclaratives (dont le fameux formulaire 2047), ainsi que les modalités de calcul de l’impôt.
Au-delà de la sphère strictement fiscale, de nombreux Français se demandent également quelles sont les conséquences en matière de prélèvements sociaux, ou comment remplir correctement leur déclaration de revenus pour ne pas subir de redressement. Les conventions fiscales internationales, la règle du taux effectif, l’octroi de crédits d’impôts, la prise en compte des déficits fonciers : tous ces mécanismes sont au cœur de la fiscalité française en matière de revenus fonciers étrangers.
Nous verrons aussi que certains dispositifs d’exonération n’excluent pas de devoir reporter ces revenus à titre informatif, notamment pour le calcul du taux effectif qui détermine la progressivité de l’impôt français.
Enfin, cet article, rédigé à l’attention de contribuables non-spécialistes comme de lecteurs aguerris, rappellera l’importance de respecter les obligations de transparence fiscale. Entre le renforcement du contrôle sur les comptes bancaires à l’étranger et l’accroissement de la coopération internationale, ne pas déclarer ses revenus immobiliers étrangers fait désormais courir des risques significatifs.
2. Le cadre légal français
En France, l’imposition des revenus est régie par le Code général des impôts (CGI), qui prévoit l’inclusion dans le revenu global imposable de l’ensemble des revenus du foyer fiscal, quelle que soit leur source. Le principe de base est qu’un résident fiscal français est imposable en France sur ses revenus mondiaux. Autrement dit, si vous résidez en France au sens du droit fiscal, vous devez en principe déclarer tous vos revenus, même ceux qui proviennent de l’étranger.
Cependant, pour éviter les doubles impositions, la France a conclu un certain nombre de conventions internationales bilatérales. Ces traités fixent des règles précises sur la manière dont les revenus — notamment immobiliers — doivent être imposés dans le pays de situation de l’immeuble et/ou dans le pays de résidence du contribuable.
Le point de départ, avant toute chose, est donc de vérifier :
Si vous êtes résident fiscal français.
Si votre bien immobilier se situe dans un État ayant signé une convention fiscale avec la France.
En effet, en fonction de ces éléments, le traitement fiscal des revenus sera différent. Le CGI contient notamment le principe de la territorialité : certains revenus sont imposables en France par détermination de la loi. Mais ce principe général se combine toujours avec les dispositions conventionnelles, qui peuvent attribuer le droit d’imposer à un État plutôt qu’à un autre.
Les textes de loi évoqués se trouvent aux articles 4 A et suivants du CGI (définissant la résidence fiscale), ainsi qu’aux articles relatifs aux déclarations de revenus (articles 170 et suivants). Les conventions fiscales internationales, quant à elles, sont disponibles sur le site officiel de l’administration fiscale française.
Enfin, il est utile de préciser que le régime français prévoit une distinction entre les revenus immobiliers (fonciers) et les plus-values immobilières, qui obéissent à des règles de calcul, de déclarations et d’imposition spécifiques.
3. Définition des revenus immobiliers au sens fiscal
Les revenus immobiliers au sens de la législation française couvrent généralement :
Les loyers perçus d’une location nue d’un bien immobilier.
Les recettes perçues d’une location meublée (soumises à un régime BIC, en principe, plutôt qu’aux revenus fonciers).
Les sous-loyers ou redevances, plus rares, mais parfois inclus selon la nature du bail.
Les revenus accessoires (ex. : publicités apposées sur le bien, sous-location d’espaces de parking, etc.), dès lors qu’ils sont en lien direct avec un bien immobilier.
Lorsque ces revenus ont pour origine un bien situé hors de France — que ce soit en Europe, en Asie, ou dans tout autre continent — ils deviennent des revenus de source étrangère. Le principe étant :
Le pays dans lequel se situe l’immeuble (État de la source) a généralement un premier droit d’imposition sur les revenus tirés de ce bien.
La France, si vous y résidez fiscalement, peut également imposer ces revenus, sauf disposition contraire dans une convention fiscale.
Cette qualification de “revenus fonciers” en France s’applique habituellement à la location nue. En revanche, la location meublée est traitée comme une activité commerciale et se rattache, en droit interne, à la catégorie des Bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Les dispositions conventionnelles, elles, se réfèrent souvent à la notion de revenus immobiliers, plus large, qui inclut toute forme de location d’un immeuble.
Il est donc important, avant de commencer toute déclaration, de déterminer si vous relevez du régime des revenus fonciers (location nue) ou de celui des BIC (location meublée). Cela aura des conséquences sur le calcul de vos charges, sur le régime micro ou réel d’imposition, ainsi que sur la manière de remplir le formulaire 2047.
4. Principe de la double imposition et rôle des conventions
Sans mécanisme correcteur, un même revenu immobilier pourrait être imposé deux fois :
Dans le pays de situation de l’immeuble : la législation locale prévoit souvent un impôt foncier ou équivalent, ou toute forme de taxation sur les loyers.
Dans le pays de résidence du bailleur : si ce bailleur est résident fiscal français, la France impose en principe ses résidents sur leurs revenus mondiaux.
Pour éviter ce phénomène, la majorité des pays ont signé des conventions fiscales bilatérales, dont l’objectif premier est d’éliminer, ou au moins d’atténuer, les doubles impositions.
Dans ces conventions, on retrouve des clauses spécifiques relatives aux revenus immobiliers. Bien souvent, il est prévu que le pays où est situé l’immeuble dispose du droit d’imposer principal (ce qui signifie que vous pouvez y payer un impôt local), et que le pays de résidence assure un mécanisme de crédit d’impôt ou d’exonération.
Il existe deux grands systèmes :
L’exonération avec prise en compte pour le calcul du taux effectif : la France n’impose pas directement le revenu étranger (puisque l’immeuble est déjà imposé dans le pays source), mais elle l’intègre dans le calcul de votre taux d’imposition. Autrement dit, on détermine un taux moyen d’imposition sur vos revenus totaux (France + étranger), puis on applique ce taux seulement sur la fraction imposable en France. C’est ce qu’on appelle la “règle du taux effectif”.
Le crédit d’impôt imputable : la France impose la totalité de vos revenus mondiaux (y compris vos loyers étrangers), puis vous accorde un crédit d’impôt destiné à compenser, en tout ou partie, l’impôt que vous avez déjà payé dans le pays source.
La différence entre ces deux approches est subtile, mais déterminante pour votre résultat d’impôt final. Le crédit d’impôt peut être égal au montant de l’impôt français (ce qui revient, dans les faits, à une exonération) ou égal au montant de l’impôt étranger (plafonné à l’impôt français). Les conventions listent précisément la méthode à appliquer, pays par pays.
5. La notion de résidence fiscale
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut préciser ce qu’est la résidence fiscale. Pour la France, la résidence est caractérisée par :
Le foyer ou lieu de séjour principal.
L’activité professionnelle principale en France, si l’on ne peut déterminer clairement la résidence à l’aide du foyer.
Le centre des intérêts économiques.
En d’autres termes, si vous vivez et travaillez majoritairement en France, vous êtes réputé résident fiscal français. Certaines situations particulières (retraite, missions à l’étranger, voyages fréquents, etc.) peuvent complexifier la détermination de la résidence fiscale.
La résidence fiscale n’est pas qu’un détail : si vous n’êtes pas résident fiscal français, vous n’avez peut-être pas à déclarer vos revenus mondiaux en France, seulement vos revenus de source française (sauf exceptions). À l’inverse, si vous êtes bien résident français, même un appartement loué à l’autre bout du monde doit être déclaré.
En cas de conflit de résidence (si, par exemple, vous résidez dans deux pays qui vous considèrent tous deux comme résidents fiscaux), les conventions fiscales prévoient des critères de “tie-breaker” (foyer permanent d’habitation, etc.). Ces dispositions visent à éviter que vous soyez doublement imposé comme résident.
6. Revenus imposables vs. revenus exonérés : la règle générale
Lorsque vous percevez un revenu immobilier à l’étranger, la première chose à faire est de vérifier la convention bilatérale entre la France et ce pays. La plupart du temps, cette convention stipule que :
Le pays où se trouve le bien immobilier impose les revenus tirés de ce bien.
La France prend en compte ou impose également ces revenus selon un mode particulier (crédit d’impôt, exonération à taux effectif…).
Dans certains cas, le pays de situation de l’immeuble peut ne pas exercer son droit d’imposition. Vous vous retrouverez alors potentiellement avec un revenu étranger qui n’a subi aucune imposition locale, mais qui restera imposable en France en intégralité.
Autre cas de figure : une convention prévoit explicitement que les revenus immobiliers sont exonérés en France, mais pris en compte pour déterminer le taux d’imposition applicable à vos autres revenus de source française. Ainsi, vous pourrez être exonéré sur le fond, tout en subissant une hausse du taux moyen d’imposition sur l’ensemble de vos revenus.
Attention : même dans un régime d’exonération, il est parfois obligatoire de déclarer les revenus à titre informatif (pour le calcul du taux effectif). Ne pas les déclarer pourrait être assimilé à un défaut de déclaration de revenus, avec toutes les conséquences que cela implique.
7. Les conventions fiscales et leur impact sur les revenus fonciers
Les conventions fiscales sont le socle de la fiscalité internationale. Elles précisent :
Le champ d’application (impôts concernés : impôt sur le revenu, parfois impôt sur la fortune, etc.).
La définition des termes (ce qu’est un “résident”, ce qu’est un “revenu immobilier”, etc.).
La manière de répartir le droit d’imposer entre les deux États.
Les mécanismes d’élimination de la double imposition.
En matière de revenus immobiliers, on trouve souvent une clause-type semblable à celle du Modèle OCDE : « Les revenus qu’un résident d’un État contractant tire de biens immobiliers situés dans l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État. »
À cela s’ajoute une stipulation relative à l’élimination de la double imposition, qui indique la méthode utilisée par le pays de résidence (ici, la France). Il peut s’agir d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français (qui revient à neutraliser totalement l’impôt français sur ce revenu, donc équivalent à une exonération), ou d’un crédit d’impôt égal à l’impôt étranger (plafonné à l’impôt français). Dans d’autres conventions, c’est directement la règle du taux effectif qui s’applique.
Il est vivement recommandé de lire la convention fiscale franco-XYZ (remplacer XYZ par le pays concerné) pour comprendre précisément le traitement applicable. En général, les notices officielles (comme la “notice 2047”) récapitulent rapidement les règles de chaque pays.
8. Présentation du formulaire 2047
Le formulaire 2047 est la pierre angulaire de la déclaration des revenus étrangers en France. Chaque contribuable résident fiscal français, qui a perçu des revenus de source étrangère ou encaissés à l’étranger, doit en principe le remplir.
Ce formulaire se divise en plusieurs cadres :
Cadre 1 : traitements, salaires, pensions, rentes imposables.
Cadre 2 : revenus de capitaux mobiliers (intérêts, dividendes) imposables en France.
Cadre 3 : plus-values imposables en France.
Cadre 4 : revenus fonciers imposables en France.
Cadre 5 : revenus de professions non salariées.
Cadre 6 : récapitulatif des revenus ouvrant droit à crédit d’impôt égal à l’impôt français.
Cadre 7 : récapitulatif des revenus ouvrant droit à crédit d’impôt égal au montant de l’impôt payé à l’étranger.
Cadre 8 : revenus exonérés mais retenus pour le calcul du taux effectif.
Pour les revenus immobiliers étrangers, le plus souvent, vous renseignerez :
Cadre 4 si vous percevez des revenus fonciers imposables en France (régime micro-foncier ou réel).
Éventuellement cadre 8 si les revenus sont exonérés mais doivent être pris en compte pour le taux effectif.
Ensuite, vous devrez reporter le résultat de ces cadres dans la déclaration principale 2042 (ou 2042 C) aux rubriques correspondantes.
9. Le lien entre la 2047 et la déclaration 2042
La déclaration 2042 est la déclaration principale pour l’impôt sur le revenu. Elle est obligatoire pour tous les contribuables domiciliés fiscalement en France. Lorsque vous avez complété votre formulaire 2047 avec vos revenus fonciers étrangers, vous n’en avez pas fini pour autant : il vous faut reporter différents montants dans la 2042 (ou la 2042 C, si vous relevez de régimes spéciaux).
Typiquement :
Les revenus fonciers de source étrangère imposables en France iront dans la rubrique “Revenus fonciers” (cases 4BA, 4BB, 4BC, 4BE, etc.).
Les revenus exonérés mais soumis à la règle du taux effectif iront dans une case spécifique (ex. 8TI ou 1AC/1AH pour les salaires, etc. ; pour le foncier en réel, 4EA ; pour le micro-foncier exonéré, 4EB).
Les crédits d’impôt correspondants s’indiqueront souvent dans les cases 8TK, 8VL, 8VM, 8UM, selon la nature du revenu et le type de crédit d’impôt.
Le but de ce double jeu de déclaration (2047 + 2042) est d’assurer que l’administration ait connaissance de vos revenus étrangers, tout en évitant une double imposition injustifiée (ou en appliquant la bonne méthode d’exonération).
10. Revenus fonciers imposables : principes généraux
Les revenus fonciers imposables en France, même s’ils proviennent de l’étranger, suivent généralement les mêmes règles que les revenus fonciers de source française. Autrement dit :
Vous pouvez bénéficier du régime micro-foncier si le montant total de vos loyers (France + étranger) n’excède pas 15 000 € par an et si vous ne relevez pas d’exclusion (par exemple, location via une SCI soumise à l’IS).
Vous pouvez opter pour le régime réel si vos charges sont supérieures à l’abattement forfaitaire (30 % en micro-foncier).
La principale différence est que vous devrez reporter ces revenus sur la 2047, puis dans la 2042, tout en tenant compte d’un éventuel crédit d’impôt ou d’une exonération.
Exemple simple :
Vous louez un appartement en Italie. Vous percevez 10 000 € de loyers bruts annuels.
L’Italie vous prélève, par hypothèse, un impôt à la source.
Vous vérifiez la convention France-Italie : les revenus immobiliers sont imposables en Italie, mais la France vous impose également, avec octroi d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français ou égal à l’impôt italien (selon la convention).
Vous remplissez la 2047 (cadre 4) en y indiquant 10 000 € (loyers bruts ou nets selon la rubrique) et le montant de l’impôt italien payé.
Vous reportez ensuite le résultat dans votre 2042, lignes “Revenus fonciers” correspondantes, en mentionnant, si nécessaire, le crédit d’impôt (cases 8TK ou autres).
11. Micro-foncier vs. régime réel
Micro-foncier :
Possible si le total des revenus fonciers (tous biens confondus, France et étranger) n’excède pas 15 000 € brut annuel.
Vous bénéficiez d’un abattement forfaitaire de 30 % qui couvre l’intégralité des frais et charges.
Vous reportez directement le montant des recettes brutes sur la déclaration 2042 (case 4BE), et l’abattement est calculé automatiquement.
Régime réel :
Obligatoire si vos revenus fonciers dépassent 15 000 €, ou sur option si vous estimez que vos charges sont supérieures à 30 %.
Vous remplissez la déclaration 2044 (ou 2044 spéciale) pour calculer votre résultat foncier net. Vous indiquez ensuite ce résultat sur la 2042, lignes 4BA à 4BC.
Vous pouvez déduire les charges (travaux, intérêts d’emprunt, assurance, etc.), ce qui peut réduire votre base imposable.
En cas de déficit foncier, vous pouvez imputer celui-ci sur votre revenu global dans une certaine limite (10 700 € par an, sous conditions).
Pour les biens situés à l’étranger, vous suivez les mêmes modalités de calcul du micro ou du réel. Il n’y a pas de schéma particulier, si ce n’est l’obligation d’indiquer ces revenus dans la 2047 avant de basculer sur la 2042.
12. Les charges déductibles en régime réel
Pour déterminer le bénéfice foncier imposable, vous pouvez déduire toutes les charges liées à l’immeuble, dès lors qu’elles sont justifiées, payées dans l’année, et qu’elles se rapportent directement au bien loué. Parmi les charges les plus fréquentes :
Les frais de gestion et d’administration.
Les charges locatives non récupérées auprès du locataire.
Les taxes foncières et taxes annexes (sauf la taxe d’habitation qui, en principe, incombe au locataire).
Les assurances (assurance propriétaire non occupant, assurance emprunteur).
Les intérêts d’emprunt et frais annexes liés au financement du bien.
Les travaux d’entretien et d’amélioration, dans la limite des règles fiscales (attention à la distinction entre travaux déductibles et travaux d’agrandissement ou de reconstruction, qui ne sont pas déductibles du revenu foncier).
Si vous avez un bien à l’étranger, vous pouvez déduire les charges afférentes, même si elles sont payées dans ce pays, tant qu’elles répondent aux critères de droit fiscal français. Conservez précieusement vos justificatifs (factures, relevés bancaires, etc.), car l’administration fiscale française peut exiger de les consulter en cas de contrôle.
Bien entendu, si le pays étranger vous accorde des avantages fiscaux, ceux-ci n’impacteront pas nécessairement le calcul en France. Seules les dispositions de la loi française et de la convention s’appliquent.
13. Règles d’amortissement (location meublée ou SCI à l’IS)
Si vous pratiquez la location meublée, vous relevez de la catégorie des Bénéfices industriels et commerciaux (BIC), et non des revenus fonciers. À ce titre, vous pouvez, dans le cadre du régime réel, amortir le bien immobilier et le mobilier. Les règles sont alors différentes de celles du foncier :
Vous tenez une comptabilité commerciale.
Vous distinguez l’amortissement du bâti et celui du mobilier.
L’amortissement ne doit pas créer ou majorer un déficit au-delà d’une certaine limite (sauf exceptions).
Pour les biens détenus via une SCI soumise à l’IS, c’est encore un autre régime : la société déduit l’amortissement et paie l’impôt sur les sociétés, et l’associé est imposé sur les dividendes distribués ou les plus-values de cession de titres.
Ces mécanismes, plus complexes, méritent une analyse particulière. Dans tous les cas, le principe de territorialité de l’IS (ou des BIC) s’applique, mais vous devrez veiller à l’interaction avec la convention fiscale pour éliminer les doubles impositions éventuelles.
14. Calcul de l’impôt en France
Lorsque les revenus immobiliers étrangers sont imposables en France (hors cas d’exonération ou de taux effectif), vous les additionnez, une fois le résultat net déterminé (micro-foncier ou réel), à vos autres revenus imposables (salaires, revenus professionnels, etc.). Le barème progressif de l’impôt s’applique alors sur ce total.
Selon les règles conventionnelles, vous pourrez ensuite, s’il y a lieu, bénéficier d’un crédit d’impôt qui viendra réduire votre impôt final. Deux méthodes :
Crédit d’impôt égal à l’impôt français :
On calcule l’impôt français comme si vos revenus étrangers étaient imposés en France normalement.
Puis on vous octroie un crédit d’impôt du même montant, annulant toute double imposition.
Cela revient à n’avoir aucun impôt supplémentaire, tout en rehaussant le taux marginal si votre barème franchit un palier supérieur.
Crédit d’impôt égal à l’impôt étranger :
On calcule l’impôt français total.
On impute ensuite l’impôt étranger que vous avez effectivement payé (plafonné à l’impôt français sur ce revenu).
Si l’impôt étranger est plus élevé que l’impôt français, vous ne pourrez pas récupérer la différence ; si l’impôt étranger est plus faible, vous paierez donc un supplément en France.
Dans certains cas, la convention prévoit un système mixte (exemple : exonération totale pour les revenus immobiliers, imputation pour d’autres catégories).
15. Le crédit d’impôt égal à l’impôt français (case 8TK)
La case 8TK dans la déclaration 2042 illustre souvent le crédit d’impôt égal à l’impôt français. On la retrouve dans des conventions conclues avec des pays comme l’Allemagne, le Canada, l’Italie, l’Espagne, etc., où l’on applique la méthode du crédit d’impôt “fictif” ou “de droit interne”.
Concrètement, vous déclarez vos revenus immobiliers bruts, vous déduisez vos charges, vous calculez votre revenu net imposable, qui vient s’ajouter à vos autres revenus. On évalue l’impôt total sur l’ensemble. Puis, via la case 8TK, vous obtenez un crédit d’impôt d’un montant égal à l’impôt français théorique sur ce revenu.
Le résultat est que, malgré l’inclusion des revenus étrangers dans votre barème, vous ne payez pas d’impôt supplémentaire en France pour la fraction de revenu correspondant à ces loyers. Toutefois, vous restez susceptible de payer plus d’impôt sur vos revenus français restants si le barème a changé de tranche en tenant compte du revenu étranger.
16. Le crédit d’impôt égal à l’impôt étranger (cases 8VL, 8VM, 8UM)
Certains pays imposent plus lourdement, d’autres moins. Dans le cas d’un crédit d’impôt égal à l’impôt payé à l’étranger, vous devrez, lors de la déclaration, indiquer :
Le montant de l’impôt étranger effectivement acquitté (justifié par un certificat, une attestation, ou un relevé de paiement).
Le revenu brut correspondant.
L’administration française calculera, pour ce revenu, l’impôt français théorique. Vous aurez droit à un crédit d’impôt correspondant au minimum entre le montant effectivement acquitté à l’étranger et le montant français dû sur ce revenu.
Ainsi, si vous avez payé 2 500 € d’impôt local et que la France calcule qu’en l’absence de convention vous auriez dû 3 000 €, votre crédit sera de 2 500 €, et vous paierez en France 500 € supplémentaires (non, en réalité, c’est l’inverse : vous paieriez un total de 3 000 €, mais on vous impute 2 500 €, donc 500 € à payer).
En revanche, si vous avez payé 4 000 € à l’étranger, mais que l’impôt français calculé est de 3 000 €, votre crédit ne sera que de 3 000 € et vous ne récupérerez pas la différence.
17. Exonération et taux effectif (case 8TI)
De nombreuses conventions prévoient que les revenus immobiliers étrangers sont exonérés en France, mais pris en compte pour le calcul du taux d’imposition applicable. C’est la fameuse méthode dite du “taux effectif”.
Le principe :
On calcule votre revenu global comme si vous déclariez tout (France + étranger).
On détermine alors le taux moyen d’imposition (par exemple 20 %).
On applique ce taux uniquement sur vos revenus imposables en France, en excluant les revenus exonérés.
Ainsi, vous ne payez pas d’impôt en France sur les loyers étrangers eux-mêmes, mais vos autres revenus peuvent être soumis à un taux plus élevé.
Cette situation est avantageuse ou non selon l’écart des barèmes, mais elle est fixée par la convention et ne se choisit pas à la carte. C’est pourquoi la lecture du texte conventionnel est cruciale.
18. Contributions sociales (CSG, CRDS, prélèvements sociaux)
Un point souvent négligé : la CSG et la CRDS, ainsi que la prélèvement de solidarité additionnel. En principe, lorsqu’un contribuable français perçoit des revenus d’activité ou de remplacement (salaires, pensions) de source étrangère imposables en France, il peut être soumis à ces contributions, sous réserve des conventions internationales de Sécurité sociale.
Pour les revenus fonciers, la situation est plus complexe. Depuis 2019, la France a été contrainte d’adapter sa législation suite à la jurisprudence européenne (arrêt “De Ruyter” notamment). Désormais, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine sont affectés au financement de la Sécurité sociale mais également à d’autres postes de dépenses, ce qui peut les rendre exigibles même pour les non-résidents de l’UE.
En pratique, si vous êtes affilié à la Sécurité sociale française, vos revenus fonciers, y compris s’ils proviennent de l’étranger et sont imposables en France, peuvent se voir appliquer la CSG et la CRDS (9,2 % + 0,5 %), ainsi que la contribution de solidarité (7,5 %, dans certains cas). Les taux effectifs varient et ont évolué ces dernières années, mieux vaut se référer à la législation en vigueur.
19. Modalités d’application : exemples chiffrés
Pour vous aider à comprendre, prenons deux exemples :
Exemple 1 :
Vous louez un appartement à Lisbonne. Revenu brut annuel : 8 000 €.
Vous payez 500 € d’impôt foncier au Portugal.
La convention franco-portugaise prévoit une exonération avec taux effectif.
Vous mentionnez ces 8 000 € sur la 2047, cadre dédié, puis vous reportez le montant, net d’impôt étranger si besoin, dans la case d’exonération pour le taux effectif (ligne 4EA ou 4EB selon votre régime, puis 8TI).
Vous ne payez pas d’impôt supplémentaire en France sur ces 8 000 €, mais ils rehaussent votre taux global si vous avez d’autres revenus imposables.
Exemple 2 :
Vous louez un bien à Londres. Revenu brut annuel : 12 000 €.
Vous payez l’équivalent de 1 000 € d’impôt local.
La convention franco-britannique prévoit un crédit d’impôt égal à l’impôt français.
Vous déclarez en France 12 000 € de loyers bruts, déduisez vos charges. Admettons que votre revenu foncier net imposable soit 8 000 €.
L’impôt théorique sur 8 000 € est calculé, admettons qu’il soit de 2 000 €.
Vous bénéficiez d’un crédit d’impôt égal à 2 000 € (case 8TK). Résultat : vous n’êtes pas doublement imposé, mais vous avez pris en compte ces 8 000 € dans votre barème global, ce qui peut augmenter le taux sur vos autres revenus.
20. Étapes pour remplir la 2047 – aspect pratique
Identifier les revenus immobiliers étrangers et déterminer s’ils sont imposables ou exonérés selon la convention.
Réunir tous les justificatifs : loyers perçus, charges, impôts payés à l’étranger, attestation fiscale éventuelle.
Choisir votre régime (micro-foncier ou réel).
Remplir le cadre 4 (revenus fonciers imposables) de la 2047 pour les revenus qui doivent être taxés en France (ou ouvrent droit à crédit d’impôt).
Remplir éventuellement le cadre 8 pour les revenus exonérés avec taux effectif.
Reporter dans la déclaration 2042 (ou 2042 C) aux cases correspondantes :
Revenus fonciers imposables : 4BA, 4BB, etc.
Crédit d’impôt : 8TK, 8VL, 8VM, etc.
Revenus exonérés : 8TI ou 4EA/4EB (selon les règles).
Calculer et vérifier l’impôt final.
Soyez précis et conservez vos documents, car l’administration pourra vous demander de prouver la réalité de vos revenus et des impôts payés à l’étranger.
21. Étapes pour remplir la 2042
La déclaration 2042 est la synthèse de tous vos revenus. Après avoir réalisé la 2047, vous :
Saisissez le montant net imposable de vos revenus fonciers étrangers dans la rubrique “Revenus fonciers”.
Indiquez le crédit d’impôt éventuel dans la rubrique “Crédits d’impôt internationaux” (cases 8TK, 8VL, etc.).
Déclarez, si besoin, vos revenus exonérés pour le calcul du taux effectif dans la case 8TI (ou 4EA/4EB pour le détail selon qu’il s’agit de foncier).
La 2042 C ou 2042 C PRO peut être requise si vous avez des revenus de professions libérales, d’activités commerciales (location meublée), ou si vous relevez de certains dispositifs particuliers.
22. Cas particuliers (SCI, indivision, démembrement, etc.)
SCI soumise à l’IR : chaque associé déclare sa quote-part de résultat foncier au prorata de sa participation. Si le bien est à l’étranger, la même logique s’applique.
SCI soumise à l’IS : la société est redevable de l’impôt sur les sociétés en France sur ses résultats (ou sur ceux réalisés en France si elle est considérée comme résidente fiscale française). Les distributions de dividendes peuvent ensuite être imposées chez l’associé.
Indivision : les revenus sont répartis entre les co-indivisaires selon leurs parts, chacun déclarant sa fraction de revenus fonciers.
Démembrement (usufruit, nue-propriété) : l’usufruitier déclare les revenus. Si le démembrement porte sur un bien à l’étranger, la répartition fiscale dépend du droit local et du droit français, mais le principe demeure : l’usufruitier encaisse les loyers et doit les déclarer.
23. Obligations déclaratives et formalités
Outre la 2047 et la 2042, les contribuables possédant un bien à l’étranger doivent parfois respecter des obligations informatives complémentaires :
Déclaration des comptes bancaires étrangers (formulaire 3916) si vous percevez vos loyers sur un compte hors de France.
Déclaration des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger (formulaire 3916 bis).
Ne pas respecter ces obligations entraîne des amendes forfaitaires qui peuvent être élevées (1 500 € par compte non déclaré, 10 000 € si le compte est situé dans un État non coopératif, etc.).
24. Sanctions en cas d’omission ou de fraude
La non-déclaration de revenus immobiliers étrangers peut être considérée comme une omission volontaire ou non. Si l’administration fiscale vous contrôle et constate un manque à gagner, vous risquez :
Un redressement avec rappel d’impôt sur trois, voire quatre ans (ou jusqu’à dix ans en cas de manœuvres frauduleuses).
Des pénalités de retard (10 %, 40 %, 80 % selon la gravité).
Des intérêts de retard au taux légal (0,20 % par mois en 2023, soit 2,40 % par an).
En cas de fraude avérée (dissimulation, fausses déclarations répétées), vous pourriez être passible de poursuites pénales. Les coopérations internationales et l’échange automatique de renseignements (via le dispositif CRS ou FATCA pour les États-Unis) rendent la détection des biens et comptes à l’étranger plus probable qu’il y a quelques années.
25. Règles de contrôle et coopération internationale
La France participe activement à l’échange automatique d’informations dans le cadre de l’OCDE et de l’Union européenne. Les banques et institutions financières étrangères transmettent régulièrement aux autorités fiscales françaises les informations relatives aux comptes détenus par des résidents français (solde, revenus, intérêts, etc.).
De plus, certains registres fonciers étrangers sont désormais consultables, ou font l’objet de transferts d’informations. Dans les années à venir, l’administration française disposera de moyens de plus en plus puissants pour repérer les personnes qui détiennent un patrimoine immobilier hors de France et omettent de le déclarer.
Les conventions bilatérales d’assistance administrative permettent aussi à l’administration de demander des informations spécifiques à l’État étranger pour confirmer la location et les loyers perçus.
26. Quid des plus-values immobilières ?
En général, la plus-value immobilière est imposée dans le pays de situation de l’immeuble. Parfois, la convention fiscale donne à la France un droit supplémentaire d’imposer cette plus-value pour un résident français, tout en prévoyant un crédit d’impôt visant à éviter la double imposition.
Cependant, la législation française impose une déclaration spécifique (formulaires 2048-IMM ou 2048-M) dans le mois suivant la cession d’un immeuble situé à l’étranger si la plus-value est imposable en France (pour les SCI à prépondérance immobilière, etc.). Le taux d’imposition est alors de 19 % + prélèvements sociaux, assorti des abattements pour durée de détention.
Si la convention prévoit une exonération en France, vous devrez éventuellement reporter la plus-value dans la case 8TI (ou équivalent) pour le taux effectif, si le texte l’indique.
27. Cas pratiques
Cas d’une personne qui vit en France, détient un bien en Espagne, et perçoit 15 000 € de loyers bruts :
L’Espagne taxe directement ces loyers. La convention franco-espagnole prévoit un crédit d’impôt égal à l’impôt français. On déclare ces loyers via la 2047, puis la 2042 (rubrique revenus fonciers + case 8TK).
Cas d’un résident français qui détient un bien en Allemagne :
Convention avec l’Allemagne : crédit d’impôt égal à l’impôt français (méthode de l’exonération avec progressivité pour les salaires, mais pour l’immobilier, souvent un crédit d’impôt par la clause standard). Vérifier la version la plus récente de la convention.
Cas d’un expatrié qui a conservé un bien en France :
Si vous n’êtes plus résident fiscal français, vos seuls revenus imposables en France sont ceux de source française (dont les loyers d’un bien situé en France). Les revenus fonciers étrangers, en principe, n’ont plus à être déclarés en France (à confirmer selon la convention).
28. Conseils pratiques pour optimiser et éviter les écueils
Lire la convention bilatérale : c’est le seul moyen de savoir quel régime exact vous concerne (crédit égal à l’impôt français, égal à l’impôt étranger, exonération, etc.).
Ne pas omettre la déclaration, même si la convention exonère vos revenus fonciers : l’exonération peut être liée au taux effectif ou à une obligation de transparence.
Conserver toutes les preuves du paiement de l’impôt à l’étranger : la France exige des justificatifs si vous réclamez un crédit d’impôt.
Analyser l’opportunité du régime micro-foncier ou réel : si vos charges (intérêts d’emprunt, travaux, etc.) sont importantes, le réel est souvent plus avantageux.
Ne pas négliger les prélèvements sociaux : en cas de contrôle, le Fisc pourrait estimer que vous êtes redevable de la CSG/CRDS sur vos revenus immobiliers étrangers.
Respecter les délais : en principe, la déclaration de revenus s’effectue au printemps (mai/juin). Tenez compte des dates limites de déclaration en ligne.
Faire appel à un professionnel si vous avez un doute : un avocat fiscaliste ou un expert-comptable peut vous guider pour les cas complexes (SCI, démembrement, résidences multiples).
29. Questions fréquentes (FAQ)
Q1 : Si je ne paie pas d’impôt dans le pays de l’immeuble, dois-je quand même déclarer en France ?Oui, absolument. Le principe est la taxation mondiale des résidents fiscaux français. Le fait que le pays étranger n’impose pas votre bien ne vous dispense pas de déclaration en France.
Q2 : Je n’ai pas reçu de revenus, car mon bien était vacant. Dois-je le mentionner ?Si vous n’avez perçu aucun revenu, vous ne déclarez pas de montant positif. Toutefois, si vous aviez déjà déclaré ce bien par le passé, il est recommandé de signaler l’absence de revenus, notamment si vous avez un déficit foncier.
Q3 : Que faire si je paye une taxe foncière équivalente à 30 % de mes loyers dans le pays étranger ?Il vous faudra vérifier la convention. Vous pourriez bénéficier d’un crédit d’impôt égal à l’impôt étranger acquitté, dans la limite de l’impôt français.
Q4 : Les autorités françaises peuvent-elles réellement savoir que je possède un bien à l’étranger ?Avec la multiplication des échanges automatiques d’informations, la probabilité de détection est de plus en plus élevée.
30. Conclusion
Détenir et louer un bien immobilier à l’étranger est une opportunité intéressante pour diversifier son patrimoine et profiter de nouvelles dynamiques de marché. Toutefois, en tant que résident fiscal français, vous restez tenu à un ensemble d’obligations déclaratives exigeantes.
La transparence fiscale et la justesse des déclarations sont fondamentales pour éviter des complications ultérieures. Il est crucial de bien comprendre la convention fiscale applicable, de sélectionner le bon régime d’imposition (micro-foncier ou réel, ou éventuellement BIC pour la location meublée), et de renseigner minutieusement le formulaire 2047, puis la déclaration 2042.
L’administration fiscale française, au même titre que celles d’autres pays, est de plus en plus outillée pour repérer les irrégularités et combattre l’évasion ou la fraude. Les contrôles s’intensifient, et la coopération internationale se renforce. Dès lors, le mieux est de se conformer scrupuleusement aux règles pour bénéficier d’une situation saine et sécurisée.
N’oubliez pas que chaque situation peut présenter des spécificités : en cas de doute, contactez nous : https://www.rous-avocat.fr/contact
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