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Rodolphe Rous

Participation de l’associé exclu au vote sur son exclusion





La décision d'exclure un associé au sein d'une Société par Actions Simplifiée (SAS) soulève souvent des questions juridiques délicates. La jurisprudence récente de la Cour de cassation confirme l'importance du respect des droits de vote de l'associé menacé d'exclusion. Cet article examine l'arrêt de la Chambre commerciale du 29 mai 2024, qui a clarifié les conditions de participation de l'associé concerné au vote de son exclusion.


Cadre Juridique

Selon les articles 1844 et 1844-10 du Code civil, combinés à l'article L. 227-16 du Code de commerce, les statuts d'une SAS peuvent prévoir l'exclusion d'un associé par une décision collective des associés. Cependant, toute clause statutaire privant l'associé menacé de son droit de voter sur sa propre exclusion est réputée non écrite. Cette disposition vise à garantir la protection des droits des associés et à éviter les abus de majorité.


Faits et Procédure

Dans l'affaire en question, une SAS à capital variable comptait parmi ses associés une personne physique et cinq personnes morales. L'article 14-1 de ses statuts stipulait qu'un associé pouvait être exclu par une décision collective des associés, et que l'associé dont l'exclusion était envisagée ne participait pas au vote.

Le 10 octobre 2016, les associés, dont l'association Mecen'coop, se sont réunis en assemblée générale et ont décidé l'exclusion de cette association sans qu'elle prenne part au vote. L'association Mecen'coop a contesté cette décision, invoquant son droit de participer au vote.


Décision de la Cour d'Appel et Pourvoi en Cassation

Par arrêt du 6 janvier 2022, la cour d’appel d'Aix-en-Provence a rejeté la demande de l'association Mecen'coop, jugeant que la décision d’exclusion était régulière. L'associée exclue a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

La Cour de cassation, se basant sur les articles précités du Code civil et du Code de commerce, a censuré l’arrêt de la cour d’appel. La Haute juridiction a estimé que toute clause statutaire privant l'associé de son droit de vote sur sa propre exclusion était réputée non écrite. Par conséquent, la décision d'exclusion de l'association Mecen'coop était irrégulière, car cette dernière n'avait pas pu participer au vote.


Observations et Jurisprudence Antérieure

Bien que la SAS soit caractérisée par une grande liberté statutaire, la Chambre commerciale de la Cour de cassation maintient fermement que les statuts ne peuvent priver un associé de son droit de vote sur sa propre exclusion. Cette position est confirmée par plusieurs décisions antérieures (Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.537 ; Cass. com., 9 juillet 2013, n° 11-27.235 ; Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-14.960).

Cette jurisprudence insiste sur le respect des droits fondamentaux des associés, évitant ainsi les exclusions arbitraires et les abus de pouvoir. La participation de l'associé concerné au vote sur son exclusion est donc une garantie essentielle de justice et d'équité au sein des SAS.


Conclusion

L'arrêt du 29 mai 2024 réaffirme l'importance des droits de vote des associés dans les décisions d'exclusion. Toute clause statutaire visant à priver un associé de son droit de vote sur sa propre exclusion est réputée non écrite. Cette décision renforce la protection des associés contre les exclusions abusives et garantit une gouvernance équitable au sein des SAS.


Pour les praticiens et les associés de SAS, il est crucial de s'assurer que les statuts respectent ces principes, sous peine de voir leurs décisions d'exclusion annulées par les juridictions compétentes.

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