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La recevabilité d'un enregistrement non autorisé comme preuve dans la procédure prud'homale

Rodolphe Rous


Dans le cadre des litiges prud'homaux, la question de la recevabilité des preuves est souvent cruciale. L'arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2024 (n° 23-14.900) apporte un éclairage important sur l'utilisation d'enregistrements clandestins comme éléments de preuve, notamment dans les affaires de harcèlement moral.


Contexte et Jurisprudence

La jurisprudence de la Cour de cassation établit que le droit à la preuve peut justifier la production d’un élément obtenu de manière déloyale, à condition que cette preuve soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte aux droits de l’employeur soit proportionnée. Cette approche vise à équilibrer les intérêts en jeu : le droit de la victime à prouver ses allégations et le respect des droits de la défense et de la vie privée de l’employeur.


Les faits

Dans cette affaire, une salariée avait saisi la juridiction prud’homale en demandant des dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement abusif, soutenant avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur. La salariée avait enregistré clandestinement une conversation avec son employeur, espérant utiliser cet enregistrement comme preuve de ses allégations.


Décision de la Cour d'appel

La Cour d'appel de Montpellier, par un arrêt du 29 juin 2022, avait jugé que cet enregistrement constituait une preuve irrecevable car contraire au principe de loyauté dans l’administration de la preuve. En conséquence, la preuve avait été écartée des débats, et la salariée avait été déboutée de ses demandes.


Pourvoi en cassation

La salariée avait formé un pourvoi en cassation, arguant que l’enregistrement était indispensable à l’exercice de son droit à la preuve. La Cour de cassation, dans son arrêt du 10 juillet 2024, a cassé et annulé la décision de la Cour d'appel. Elle a rappelé que les juges du fond doivent vérifier si la production de la preuve est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et si l’atteinte aux droits de l’employeur est proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.


Analyse et Implications

L'arrêt de la Cour de cassation illustre la nécessité de distinguer entre la licéité de l’obtention d’un élément probatoire et la recevabilité de sa production en justice. Il est primordial, en cas de contentieux, de contester la production de la preuve plutôt que son obtention. En matière de harcèlement moral, cette distinction prend une importance particulière, car les éléments permettant de présumer l’existence du harcèlement doivent être appréciés.

En pratique, cela signifie que les enregistrements clandestins peuvent être admis comme preuves à condition qu’ils soient indispensables pour prouver les faits allégués et que leur production soit proportionnée à l’atteinte des droits de l’employeur. Cet équilibre délicat montre l’importance de l’appréciation judiciaire dans chaque cas particulier.


Conclusion

La recevabilité des enregistrements non autorisés comme preuves dans la procédure prud'homale est un sujet complexe qui requiert une analyse minutieuse des circonstances de chaque affaire. L'arrêt du 10 juillet 2024 de la Cour de cassation rappelle que le droit à la preuve peut justifier des entorses à la loyauté probatoire, à condition que ces entorses soient indispensables et proportionnées. Les avocats et les justiciables doivent donc être particulièrement attentifs à ces critères lors de la constitution de leurs dossiers de preuve.

 
 

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