
La péremption d'instance est un mécanisme juridique essentiel en procédure civile française, visant à sanctionner l'inaction prolongée des parties dans le déroulement d'un procès. En matière prud'homale, qui traite des litiges individuels entre employeurs et salariés, la question de la péremption d'instance revêt une importance particulière en raison des spécificités procédurales de cette juridiction. Cet article se propose d'examiner avec rigueur juridique les conditions, les effets et les particularités de la péremption d'instance en matière prud'homale, en s'appuyant sur les sources légales et réglementaires applicables.
I. Définition et Fondement Juridique de la Péremption d'Instance
La péremption d'instance est prévue aux articles 386 à 388 du Code de procédure civile (CPC). Selon l'article 386 du CPC :
"L'instance est périmée lorsque aucune des parties n'a accompli de diligences pendant deux ans."
Ce mécanisme a pour objectif d'assurer la célérité de la justice en sanctionnant l'inaction des parties, évitant ainsi l'engorgement des tribunaux par des affaires dormantes.
II. Application de la Péremption d'Instance en Matière Prud'homale
A. Principe de l'Application des Règles de Procédure Civile
L'article R. 1451-1 du Code du travail dispose que :
"Les instances devant le conseil de prud'hommes sont, sauf disposition contraire, soumises aux règles de la procédure civile."
Ainsi, les dispositions relatives à la péremption d'instance du CPC s'appliquent en principe aux procédures prud'homales.
B. Spécificités de la Procédure Prud'homale
La procédure prud'homale est caractérisée par son oralité (article R. 1452-1 du Code du travail) et sa simplicité, visant à faciliter l'accès à la justice pour les salariés et les employeurs. Toutefois, aucune disposition spécifique du Code du travail ne modifie le régime de la péremption d'instance en cette matière.
III. Conditions de la Péremption d'Instance
A. Délai d'Inaction
Le délai de péremption est de deux ans, courant à compter du dernier acte de procédure accompli par les parties ou le juge (article 386 du CPC).
B. Actes Interruptifs
Pour interrompre le délai de péremption, un acte de procédure doit manifester la volonté d'une partie de faire avancer l'instance. Il peut s'agir, par exemple :
D'une assignation ou d'une conclusion déposée au greffe ;
D'une demande d'audience ;
De toute démarche procédurale significative.
La jurisprudence précise que l'acte interruptif doit être porté à la connaissance de l'autre partie ou du juge pour être valable.
IV. Effets de la Péremption d'Instance
A. Extinction de l'Instance
La péremption entraîne l'extinction de l'instance sans toucher au droit d'action. L'article 388 du CPC stipule que :
"La péremption éteint l'instance mais ne dessaisit pas le juge qui peut statuer sur les dépens."
B. Possibilité de Réintroduire l'Action
La partie dont l'instance est périmée conserve la possibilité de réintroduire l'action, sous réserve du respect des délais de prescription applicables en matière prud'homale (par exemple, le délai de prescription de droit commun de deux ans prévu à l'article L. 1471-1 du Code du travail).
V. Invocation et Constatation de la Péremption
A. Péremption Soulevée par les Parties
La péremption d'instance n'est pas automatique et doit être invoquée par l'une des parties. La Cour de cassation a rappelé que le juge ne peut la relever d'office.
B. Modalités de Constatation
La demande de péremption doit être présentée devant le juge saisi de l'affaire, qui constate l'extinction de l'instance après vérification des conditions légales.
La Cour de cassation a confirmé que la péremption d'instance ne s'applique pas lorsque le retard est imputable au fonctionnement du service public de la justice.
La péremption ne peut être opposée si l'inertie est due à un cas de force majeure.
VI. Conseils Pratiques pour Éviter la Péremption d'Instance
Surveiller les Délais : Les parties doivent être vigilantes quant au respect du délai de deux ans et accomplir des actes de procédure réguliers.
Conserver les Preuves : Il est important de conserver les justificatifs des actes accomplis pour pouvoir prouver l'interruption du délai.
Communication avec le Conseil de Prud'hommes : Maintenir une communication active avec le greffe pour être informé de l'évolution de l'affaire.
Conclusion
La péremption d'instance en matière prud'homale, bien que soumise aux règles générales de la procédure civile, nécessite une attention particulière en raison des spécificités de cette juridiction. Les avocats et les justiciables doivent être attentifs aux délais et veiller à accomplir les actes procéduraux nécessaires pour éviter l'extinction de l'instance, tout en gardant à l'esprit la possibilité de réintroduire l'action en cas de péremption, sous réserve de la prescription.
Références Légales et Jurisprudentielles
Code de procédure civile : Articles 386 à 388.
Code du travail : Articles R. 1451-1, R. 1452-1, L. 1471-1.
Jurisprudence :
Cass. civ. 2e, 13 juillet 2006, n° 05-17.462.
Cass. civ. 2e, 4 mai 2017, n° 16-13.269.
Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-25.852.
Cass. civ. 2e, 12 avril 2018, n° 17-16.249.
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